L’ÉCRITURE EPISTOLAIRE sur le thème de l’amour
Forme d’écriture privilégiée pour démontrer sa passion, le roman épistolaire s’appuie sur le même principe que le théâtre classique: un premier acte qui dévoile la passion avec des accents lyriques, un deuxième acte qui se définit dans la lutte contre cette passion et le troisième acte qui clôt l’aventure amoureuse plus ou moins tragiquement, non sans épiloguer sur la déception amoureuse.
La structuration du roman épistolaire
Éléments indissociables de la forme épistolaire:
– la date et le lieu qui permettent de situer le cadre spatio-temporel
– l’ouverture, avec la mention du destinataire.
– La clôture qui comporte une formule d’adieu et la signature.
L’abondance de la ponctuation:
Les formes interrogatives, exclamatives, suspensives sont largement utilisée pour rendre le texte vivant.
Le dialogisme
Il permet à l’écrivant de donner l’illusion qu’il parle en direct au destinataire, usant d’injonctions propre à faire réagir le destinataire comme s’il était présent dans la conversation imaginée.
L’absence de narrateur.
Les sentiments sont décrits par l’épistolier qui ne diffère pas son rôle puisqu’il livre ses émois internes directement au destinataire sous une forme expressive et poétique seules à même de livrer les tourments de sa passion.
Enfin la continuité narrative
Elle est essentielle pour relier les morceaux dissociés de la pensée des protagonistes afin de rendre l’intrigue compréhensible au lecteur. Il s’agit bien de construire une histoire à partir de lettres discontinues par le temps et l’espace et de la mener à un dénouement.
Analyse du roman épistolaire
Elle pose de façon exemplaire la question des frontières entre une écriture littéraire et l’introspection de soi dans un temps décalé, dû à l’espacement des lettres.
• Souvent départ de lettres authentiques publiées après coup, elles retissent une histoire. Le texte joue alors entre fiction et réalité (transformation du réel par une fiction aux couleurs de l’authenticité)
• L’auteur ne doit pas dévoiler la recette de son roman épistolaire mais doit en annoncer la posture.
• Les lettres de l’aimé apportent un mouvement de sa vie intérieure toutefois débarrassée des pesanteurs de la rhétorique. Elles montrent sa volonté d’exprimer sa singularité au travers d’une intimité sentimentale.
• Pour les épistoliers la lettre c’est :
o Déclarer son amour qu’on ne parvient que peu à énoncer dans la parole vivante
o Elle met en œuvre l’illusion de la présence et du dialogue de ses personnages et prolonge une conversation.
o La lettre assure le lien de la relation, la continuité dans le temps tout en
o Le désir de communiquer, de reprendre un récit, des confidences dont la teneur s’étend des épanchements affectifs aux réflexions intellectuelles.
o Elle donne à l’écrivain une grande marge de liberté car elle permet une multiplicité de tons, de formes et de sujets abordés, mais aussi l’inclusion d’historiettes, d’anecdotes, de digressions ou, au contraire, l’induction d’ellipses, d’absences:
o C’est tourner l’attention du lecteur vers ce discours sur soi expansif, ce moi
qui se montre sans réticence, agrémenté des digressions anecdotiques qui fondent le ciment de l’histoire et apporte à l’ensemble sa cohérence de l’histoire dans le temps. Le sens se construit et se dégage dans l’interférence du vécu et du conté, du discours et du récit, dans le chassé-croisé des états d’âme de l’écrivain
Dans le roman épistolaire, on prétend à une continuité narrative dont a besoin le lecteur. Ce n’est pas une suite de lettres sans lien les unes aux autres. C’est construire une histoire, mener une intrigue à son terme à partir des différentes lettres. : l’histoire progresse au jour le jour et rien ne peut laisser deviner son issue puisqu’elle dépend des réactions des différents épistoliers. Ainsi, pour que le lecteur soit engagé, il doit suivre les moments clé que sont les étapes de l’histoire d’amour : la séduction, la passion, la rupture etc…elle doit aussi retranscrire des actions ancrées dans le vécu.
Quelques exemples de correspondances souvent méconnues
« Correspondance passionnée »de Anaïs Nin. Recueil de lettres échangées pendant 20 ans entre Henry Miller et Anais Nin. Le livre suit l’évolution de leur passion, moments intenses entrelacés de réflexions sur leur production littéraire respective.
« Lettre d’amour d’un soldat de 20 ans » de Jacques Higelin.Déclaration d’un jeune homme fou d’amour qui tisse un lien étroit entre son amour et sa passion musicale.
« Lettre à Jean Marais » de Jean Cocteau. Recueil enflammé de la passion d’un homme pour son bel adonis entrecroisé d’un témoignage authentique du milieu artistique de leur époque.
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Correspondance, un beau mot riche de promesses!