Quartier-theatre

Mémoire DEFA : Le Conte de la grenouille bleue, un projet de vie, vie de Quartier

Quartier-theatre

Le spectacle, un enjeu collectif pour la valorisation de l’image d’un quartier

SOMMAIRE                                                        Page      1 à 4

INTRODUCTION                                                          5 à 6

I/ LE CONTE THEATRAL                                             7 à 19

A/ Approche générale du conte                                      6 à 13

       1 : la structuration du conte

       2 : Le renouveau du conte et sa fonction pédagogique

       3 : De la théorie à la pratique

B/ « La grenouille bleue »                                              13 à 19

       1 : L’origine du conte

       2 : L’histoire et ses personnages

       4 : Analyse du jeu et du texte

3 : De la fonction pédagogique au travail de mise en scène

Il était une fois…………………..                                       20 à21

II/ ENVIRONNEMENT DU PROJET                              22 à 27

A/ La ville de La Roche sur Yon                                    22 à 25

1 : Une histoire particulière

2 : La ville partenaire pour les quartiers

3 : Un schéma fonctionnel autarcique

B/ Les moyens d’une politique sociale culturelle forte                   26 à 29

1 : Les maisons de quartiers

2 : l’Association de coordination yonnaise des quartiers

3 : Les équipements culturels

III/ PREMIER ACTE DE LA GRENOUILLE BLEUE              29 à 45

A/ Histoire singulière du quartier des Forges                        29 à 33

1 : Une frontière naturelle, le rail

2 : Forges, une mauvaise réputation

3 : L’Aadiqno, un militantisme de combat

B/ Diagnostic du projet social de l’Aadiqno                           33 à 36

1 : Des équipements sous utilisés

2 : Une offre culturelle peu ciblée sur les habitants

3 : Une organisation de la vie statutaire excluante

C/ L’Aadiqno, l’ouverture vers tous ses habitants                  37 à 38

       1 : Permettre aux habitants de s’investir dans la vie du centre

       2 : Promouvoir la culture

       3 : Favoriser des activités d’expression et de création

D/ Le montage du spectacle                                           39 à 45

       1 : Les ressources collectives de l’Aadiqno

       2 : Les visées opératoires du projet global

3 : Un travail collectif valorisant

IV/ DEUXIEME ACTE DE LA GRENOUILLE BLEUE           46 à 62

A/ Environnement social du quartier Jean Yole                            46 à 50

1 : Un quartier enclavé

       2 : Jean Yole, une image dévalorisée

3 : Le projet santé,  spécifique à Jean Yole

4 : Une forte présence d’associations à but  social

B/ Jean yole et l’ACAJY                                                50 à 52

1 : L’ACAJY, une identité bafouée

2 : Une faiblesse de sa représentation associative

3 : Perte symbolique du projet enfance

C/ L’Acajy, revitalisation d’un quartier                                52 à 54

       1 : Réinitialiser des animations enfance sur la maison de quartier

2 : Travailler sur les ressources des habitants et en permettre l’expression.

3 : Traduire la force du quartier dans un évènement à l’échelle de la ville.

D / Le montage du spectacle                                          54 à 62

         1 : Le relais d’animation pédagogique acajy

2 : Les ressources individuelles du public de Jean Yole

3 : La collaboration associative acajy

V / SOURCE CONCEPTUELLE DE LA GRENOUILLE BLEUE

A/  Le cheminement vers des concepts                                   62 à 65

1 : Eclairage sur l’évolution de ma démarche

       2 : La complexité des concepts traversés

       3 : La naissance d’une hypothèse à vérifier

B/ L’étude des comportements des personnes disqualifiées            65 à 67

selon Serge Paugam                                                                   

1 : Les limites posées à l’utilisation de l’enquête de Serge Paugam

2 : Des similitudes à l’environnement social observé

3 : Des éléments théoriques empruntés à Serge Paugam.

C/ Jean Yole et Forges des quartiers marqués par leur image 68 à 73

1 : Forges, une réputation de violence et d’insoumission

2 : Jean Yole une image dévalorisée

VI/ EVALUATION DU PROJET ET DE MA DEMARCHE             73 à 82

A/ Ma relation professionnelle à mon objet de recherche       73 à 74

1 : Décentrement de mon objet

2 : La déconstruction de mes savoirs professionnels

3 : L’ouverture vers d’autres champs professionnels

B/ Retour à l’intention première : la reconnaissance sociale          75 à 81

       1 : La reconnaissance sociale, besoin inhérent à l’homme

2 : La grenouille bleue : une petite pierre à l’édifice de la reconnaissance sociale

3 : Faire reliance dans ma pratique aux valeurs de l’Education populaire

CONCLUSION                                                            82

Le conte de « la grenouille bleue »,un projet de vie, de vie de quartier.

Cette aventure s’échelonne sur trois années et évolue sur deux quartiers de La Roche sur Yon.

L’histoire a commencé en octobre 2002 et s’est terminée en octobre 2005.

Pourtant, la grenouille bleue est née de mon imagination en 1983 sans savoir qu’elle grandirait au fil du  temps, enrichie des diverses expériences de scène et que son écho résonnerait comme maillon de la mémoire collective d’un quartier.

Voici une  introduction qui tente de restituer le cheminement de ma démarche.

Dans la première partie, « LE CONTE THEATRAL » je me suis posée à la fois comme auteur- metteur en scène et animatrice technique de théâtre.

J’ai voulu montrer la pertinence pédagogique de travailler sur les contes et en particulier sur « la grenouille bleue ».

J’ai cherché tout d’abord à définir ce qu’est un conte, la structuration conceptuelle et  les caractéristiques qui en fait  un  support pédagogique intéressant pour réaliser un travail avec un groupe d’enfants.

En second lieu je tente de  construire une argumentation qui montre la cohérence entre les éléments théoriques et ma démarche pédagogique dans le travail de pratiques théâtrales sur le conte de la « grenouille bleue ».

Pour terminer cette première partie je parle de la « grenouille bleue » comme sujet en dévoilant l’origine de sa création,  les expériences qui l’ont fait grandir, et la place qu’elle tient aujourd’hui dans un projet de quartier.

Si « La grenouille bleue » devait être analysée en 2058 ……….

Je me suis amusée à créer un bout d’essai en imitant le style des interprétations modernes comme  certains auteurs le font pour des  contes traditionnels.(1)  

Sous une approche ludique c’est un lien de l’ordre de la nature profonde du conte qui relie l’auteur à son histoire.

(1)« Une certaine identité petit chaperon rouge »par Michèle RAMAND p61 Identités individuelles identités collectives Presses Universitaires de Caen.

Cela  nous replace dans le contexte de l’expérience d’animation et donc à ma place d’animatrice professionnelle  en charge  d’un projet de quartier.

Le deuxième chapitre « ENVIRONNEMENT DU PROJET » aborde la question de la place des quartiers sous un angle institutionnel, historique et politique à l’échelle globale de la ville  de La Roche sur Yon réservant le détail sur les quartiers dans les chapitres leur étant consacrés.

Dans les chapitres suivants, « PREMIER ACTE DE LA GRENOUILLE BLEUE » et  « DEUXIEME ACTE DE LA GRENOUILLE BLEUE » j’élabore pour chacun des deux quartiers (Forges et Jean Yole) la tryptique diagnostic, constats et objectifs.

Puis j’envisage le montage du projet de chacun des quartiers concernés.

Mais la réalisation du même projet, sur deux quartiers dont les caractéristiques sociales sont très proches, mais porté par deux associations différenciées m’a permis de constater que cela ne procédait pas de la même démarche.

C’est ainsi que dans le chapitre « SOURCES CONCEPTUELLES DE LA GRENOUILLE BLEUE » je réinterroge des auteurs et des concepts me permettant de répondre à ma question :

Quels mécanismes sont à l’œuvre dans la construction sociale  d’un quartier ?

Enfin après avoir  montré que quelque soit l’identité d’un quartier et de ses habitants, la notion de reconnaissance sociale est fondamentale dans la construction des individus, j’explique comment je pense avoir contribué à apporter une parcelle de reconnaissance sociale aux habitants de ces quartiers.

Pour conclure, j’aborde le lien que j’entretiens avec la pratique de l’Education populaire recentré sur mon sujet : L’enjeu d’un projet collectif  pour qu’il participe à la valorisation du quartier.

I/ LE CONTE THEATRAL

Etant auteur de ce conte je pense qu’il est important de se reporter à quelques éléments théoriques qui caractérisent le conte et qui m’ont amenés à faire le choix de ce support pour travailler avec un jeune public.

Toutefois, je n’approfondirai pas l’étude du conte, me bornant à donner quelques clés de compréhension afin d’appuyer mon propos.

A/ Approche générale du conte

Du fait de leur simplicité et qu’ils s’adressent le plus souvent aux enfants, nous avons des contes une représentation faussée. Nous verrons  qu’ils sont plus riches et plus complexes qu’il n’y paraît.

1 : La structuration du conte

En introduction je me propose de restituer un texte qui donne l’importance des histoires, dans notre histoire humaine.

Innombrables sont les récits du monde. C’est d’abord une variété prodigieuse de genres, eux-mêmes distribués entre des substances différentes, comme si toute manière était bonne à l’homme pour lui confier ses récits : le récit peut être supporté par le langage articulé, oral ou écrit, par l’image, fixe ou mobile, par le geste et par le mélange ordonné de toutes ces substances ; il est présent dans le mythe, la légende, la fable, le conte, la nouvelle, l’épopée, l’histoire, la tragédie, le drame, la comédie, la pantomime, le tableau peint…, le vitrail, le cinéma, les comics, le fait divers, la conversation. De plus, sous ces formes presque infinies, le récit est présent dans tous les temps, dans tous les lieux, dans toutes les sociétés; le récit commence avec l’histoire même de l’humanité; il n’y a pas, il n’y a jamais eu nulle part aucun peuple sans récit; toutes les classes, tous les groupes humains ont leurs récits, et bien souvent ces récits sont goûtés en commun par des hommes de culture différente, voire opposée : le récit se moque de la bonne et de la mauvaise littérature : international, transhistorique, transculturel, le récit est là, comme la vie.(1)

Le conte a toute sa place dans la restitution du monde même s’il emploie un récit basé sur la fiction et le merveilleux, pacte passé entre le conteur et son auditoire ou ses lecteurs. Ces derniers acceptent de croire à l’univers merveilleux et à ses lois, d’entrer avec le conteur dans un monde second sans rapport avec le nôtre. Ce monde où les héros sont comme anonymes, figures plus qu’êtres, où les distances et le temps varient, où toutes sortes de créatures peuvent se manifester.
En tant que pratique du récit, le conte appartient à la fois à la tradition orale populaire et à la littérature écrite.

(1)R.Barthes, Introduction à l’analyse structurale des récits, Seuil, « Points », 1976

Malgré une image naïve en raison de  la simplicité des récits, le conte résulte d’une démarche intellectuelle complexe, visant à extraire les thématiques inhérentes à la vie en société.

Cependant, il reste accessible par sa simplicité à un auditoire multiple même s’il introduit des vérités qui ne pourraient que difficilement être exposées hors de son contexte narratif.

En effet, c’est parce que le conte merveilleux populaire est entièrement sous le signe de la fictivité que l’auditoire peut adhérer aux événements narrés. C’est parce que le conte est entièrement coupé de la réalité, définissant son espace, son temps, ses personnages propres qu’il ne peut donc menacer.
Loin d’être une marque de la crédulité populaire, il témoigne donc d’une grande sophistication.

La collecte des histoires, légendes, mythes et contes populaires a été tout d’abord entreprise par les frères Grimm mais parmi les nombreuses figures qui se sont intéressées aux contes (1)c’est le folkloriste russe Vladimir Propp qui a inauguré en quelque sorte l’analyse structurale du conte.

Il a étudié les contes merveilleux traditionnels, dans lesquels il voit le jeu de « variables » (les noms et les attributs des personnages) et de « constantes » (les fonctions qu’ils accomplissent). Au terme de son analyse, Propp conclut que le conte merveilleux obéit à une structure unique qui s’organise  depuis un manque ou un méfait initial jusqu’à sa réparation finale par une succession de situations communes à tous les contes.

Propp définit aussi le conte merveilleux comme récit à sept personnages ayant chacun leur sphère d’action propre : le Héros, la Princesse, le Mandateur, l’Agresseur, le Donateur, l’Auxiliaire et le Faux Héros.

Nous verrons plus loin la relation de cette catégorisation des personnages définis par Propp avec les personnages du conte de la grenouille bleue.

Cette présentation succincte m’a servi à vous ouvrir à la complexité de la structuration du conte et de sa fonction cachée comme miroir de la société.

En effet, le sujet n’étant pas de poursuivre plus en avant l’étude approfondie des contes mais bien de montrer en quoi le choix de ce support m’a permis d’aborder un travail d’expression avec des enfants.

(1) L’étude des variantes débouche sur la notion de « conte-type » définie par le Finnois Anti Aarne. Dans les années 1930, le structuralisme de Vladimir Propp met en évidence les « fonctions » du conte, véritables briques de ce que le Français Claude Brémond définit comme un « meccano », et l’Anglais Tolkien comme une « soupe éternelle », toujours enrichie de nouveaux éléments, bouillonnant dans le « chaudron du conte ». Rapporté sur le site http:// exposition.bnf.fr/ contes/arrêt/ecrit/index.htm

2 : Le renouveau du conte et sa fonction pédagogique

Nous savons que le conte a longtemps gardé une fonction de régulation et de morale dans les sociétés traditionnelles. Cette tendance s’est perdue avec l’avènement de la société moderne et le recul de la société rurale et des avancées technologiques qui ont supplanté l’art de la veillée à la soirée télévisuelle dans les foyers.

Dans notre monde occidental, le conte a survécu  comme une histoire pour enfant sans grande dimension créative sinon  d’être le réservoir de livres pour enfants avec pour fonction de les endormir le soir.

Est-ce le fait d’avoir été dépoussiéré par les créateurs de dessin animé emmené par la figure emblématique de Walt Disney ou de s’être de nouveau frotté à la culture des sociétés traditionnelles (comme l’Afrique) dont la tradition orale a été maintenue (1) que le conte a recouvré sa modernité ?

On ne peut que  constater aujourd’hui  la place de plus en plus importante accordée au conte dans la société et plus particulièrement dans le monde scolaire.(2)

Il est donc aujourd’hui reconnu comme un outil pédagogique pour l’enfant.

Au regard de cette perspective qui lui est propre, ce genre littéraire est ainsi progressivement introduit dans le milieu éducatif.

M’inspirant des travaux de Christel Duprat  ( 3) j’ai tenté de résumer les apports pédagogiques que revêt le conte.

On peut soit considérer le conte comme un objet d’enseignement soit   l’utiliser en tant qu’auxiliaire d’enseignement, le réduisant à sa fonction d’outil ou de support, au service des apprentissages fondamentaux de la lecture et de l’écriture.

 (1)Il est à voir le succès remporté par le long métrage de Kirikou, conte basé sur une légende d’Afrique

(2) En référence au  texte émanant du Ministère de la culture et de la communication sur les propositions pour préparer l’avenir du spectacle vivant. Fiche 10 page 31 «  Il y a cinq ans, le ministère, faisant le constat d’une présence et d’une visibilité croissantes des spectacles se référant au conte et plus généralement aux arts du récit ou de la parole, commandait un état des lieux concernant l’évolution artistique de cette discipline ainsi que des pratiques professionnelles et publiques s’y attachant.

Cette étude devait confirmer unevitalité insoupçonnée. »

En terme de proposition « la constitution d’un portail internet sur les arts du conte participant à la promotion de la

discipline par l’information et une mise à jour permanente des projets et propositions les plus emblématiques ; la réalisation d’un tel espace commun de ressources devrait répondre, en partie, au besoin de reconnaissance, d’identification et de dialogue de ce secteur professionnel et artistique »

(3)Christel Duprat  « L’influence des contes sur le développement psychopédagogique de l’enfant »1998

Le conte comme objet d’enseignement :

– Le conte alimente la vie intérieure de l’enfant (référent psychologique)

– Le conte aide l’enfant à s’intégrer à son environnement (référent social).

– Le conte initie l’enfant aux connaissances et aux comportements de la société humaine (référent culturel)

– le conte nourrit l’imaginaire de l’enfant, et donc ses potentialités créatrices

Le conte comme auxiliaire d’enseignement :

– Le conte est un support narratif qui permet les apprentissages fondamentaux de la lecture et l’écriture.

– Le conte est facteur de stimulation intellectuelle

– Le conte relève d’une approche ludique par lequel l’enfant peut s’essayer à la pratique  de disciplines plurielles.

La valorisation de l’enfant  comme objectif pédagogique peut se travailler sur deux registres :

Le conte classique et traditionnel auquel on attribue des critères de validité littéraire et culturelle qui facilite l’acquisition des savoirs fondamentaux

– Les contes traditionnels introduisent l’enfant à l’univers de la littérature, mémoires et traces de l’humanité.

     –  Le conte participe à la structuration mentale de l’enfant, développant ses facultés cognitives.

Le conte dit moderne qui se vit comme une adaptation pédagogique, centrée sur la transmission de savoirs déjà constitués.

– Les contes modernes évoquent à l’enfant son vécu quotidien, facilitant ainsi son adaptation à la réalité

– Le conte permet à l’enfant de mettre en oeuvre son imagination, libérant ainsi son énergie personnelle

Ce support  est donc légitimé au simple regard de la valorisation générale qui le caractérise.

S’agissant ici d’une création, nous ne travaillerons pas l’aspect littéraire et traditionnel du conte comme référent culturel.

Cependant le chapitre sur l’importance de  la langue comme outil référent de grammaire et de vocabulaire  sera abordé plus loin.

Je me  bornerais donc à l’étude symbolique du conte et au travail relatif de la mise en scène.


3 : De la théorie à la pratique

–   le conte nourrit l’imaginaire de l’enfant, et donc ses potentialités créatrices

Dans le système scolaire, l’expression orale tient une grande place à la maternelle pour devenir dans le primaire cantonnée à la poésie.

 En effet de la grande section au cours moyen II, les priorités pédagogiques s’inversent : les activités visant le développement de l’imagination créatrice (caractéristiques de l’enseignement préélémentaire) se substituent à celles dont le but est de développer la pensée rationnelle.

Travailler autour d’un conte permet à l’enfant de sortir des savoirs fondamentaux liés à la scolarité et (quelquefois de l’échec qu’induit la non acquisition de ses savoirs) pour s’autoriser des divergences liés à l’imaginaire et le symbolique.

–      Le conte aide l’enfant à s’intégrer à son environnement (référent social)

Le rôle endossé, (par exemple le petit garçon qui devient le héros), a une détermination sociale dans la pièce que l’enfant va intégrer et qui sera mis en comparaison avec son propre rôle dans la réalité.

Le travail de la scène va lui  permettre de se confronter au regard des autres. Il va prendre des risques en s’exprimant devant un groupe, un public.

L’apprentissage de la prise de parole va faciliter l’accès au débat pour manifester ses envies mais aussi ses connaissances.

– Le conte participe à la structuration mentale de l’enfant, développant ses facultés cognitives.

Le conte est une forme de récit où tout est possible. Par contre, il n’échappe pas à un ensemble d’éléments qui régissent de manière absolue sa structure et sa syntaxe sous peine de perdre tout intérêt et toute crédibilité.

Il doit ainsi développer des compétences communicationnelles qui requièrent le désir de s’intéresser à autrui. Pour y parvenir il devra adapter ses savoir-faire, ses comportements signifiant à autrui la volonté de partager ses idées, Cela part d’un principe d’adaptation et de traitement de l’information.

– Les contes modernes évoquent à l’enfant son vécu quotidien, facilitant ainsi son adaptation à la réalité

Il faut souligner encore une fois que le conte n’est qu’un moyen, un support pour arriver aux objectifs fixés dans le cadre du projet.

C’est un biais motivant pour les enfants car ils vont travailler dans un environnement chargé de sens pour eux.

L’interprétation des rôles peut se nourrir de leurs représentations et sera chargée de leurs  émotions vécues au quotidien.

Mais cette pédagogie  leur permettra aussi de se projeter dans le temps par la programmation  des répétitions, d’assumer leurs responsabilités et d’être les acteurs de leur apprentissage en produisant la pièce.

– Le conte est un support narratif qui permet les apprentissages fondamentaux de la lecture et l’écriture.

Les éléments de lecture sont omniprésents dans la mise en place du conte.

 Au cours de la première période de travail, les enfants vont s’imprégner de la structure du conte et de l’ambiance merveilleuse.

Cela nécessite des compétences précises :

– Savoir déchiffrer un texte,

– Etre capable de lire des mots difficiles,

– Comprendre le récit dans sa globalité,

– Savoir moduler la langue oralement da façon appropriée selon les intentions et les exigences que requiert la scène,

– Savoir « déclamer » sans trébucher, en clair, jouer sans réciter, avec le ton juste.

– Le conte initie l’enfant aux connaissances et aux comportements de la société humaine

Le conte a pour vocation de nous amener dans le monde de tous les possibles. Il nous permet de nous pencher sur notre réalité, notamment en faisant de ces personnages une galerie de portraits où les vices et les grandeurs de la nature humaine se côtoient sans cesse avec le parti pris de ne pas avoir de « vrais méchants ».

B/ « La grenouille bleue »

1 : L’origine du conte

J’ai écrit  ce conte pour un institut médico-éducatif, à l’occasion d’une fête de Noël dans les années 1980.

Il a été joué initialement par des adultes.

Quand je suis devenue animatrice culturelle dans une maison de quartier, j’ai réactivé l’histoire pour la faire jouer par des enfants dans un atelier théâtre.

L’adhésion qu’a suscité le projet sur le quartier m’a fait prendre conscience du potentiel pédagogique qu’il portait en lui tant du point de vue des enfants que des parents et des habitants comme action collective.

Ce spectacle a été porté à la scène 4 fois avec le même bonheur, le même succès et la même « efficacité ».

Les conditions dans lequel le projet a été monté a suivi mon évolution professionnelle, à savoir :

– Monté une deuxième fois dans le cadre d’un atelier théâtre pour enfants dans une petite maison de quartier, les intermèdes étaient dansés par les élèves des cours de danse de la même maison de quartier avec pour  public principal, les parents.

Theatre enfant- Maison de Quartier
La grenouille bleue – Salle Rustic- Montereau Fault-Yonne- Archives Activités Maison Quartier ville Basse

– Puis joué une troisième fois dans un foyer rural par des enfants inscrits dans un atelier théâtre devant les parents dont les enfants assuraient aussi les intermèdes chantés, dansés et joués (instruments de musique).

– Enfin et c’est l’objet de mon expérience d’animation le projet a  pris depuis une dimension collective associative forte  dont je vais vous exposer la mise en œuvre.

Il a donc été joué, dans des conditions similaires à savoir dans des projets de quartier sans jamais n’être tout à fait le même ni tout à fait un autre.

Non pas que l’interprétation diffère au point de changer le spectacle mais bien parce qu’il se fonde sur les ressources différenciées et originales des personnes chargées du projet.

En effet si le canevas du conte reste inchangé des espaces blancs restent à aménager selon les compétences des participants.

Ainsi plusieurs scènes ont été interprétées selon les pratiques et les disciplines des acteurs ou des groupes pouvant se greffer sur le projet.

Cinq espaces restent à créer par chacune des équipes nouvelles.

A chacun de ces « blancs » il a été proposé depuis sa création beaucoup de disciplines.

 La  liste ci –dessous, qui n’est bien sûr pas exhaustive puisque de fait toute idée originale fait la force du projet,  peut donner une idée de la diversité d’interprétations du conte :

Mime, danse (hip hop, modern’jazz, folklorique, classique ou contemporaine, de salon claquettes) jonglage, percussions, instruments de musique, aérobic, chant,  arts martiaux, diaporamas informatiques etc…

Le conte sert bien de prétexte à une mise en scène fondée sur la participation d’un groupe de personnes impliquées dans un projet collectif.

Le projet collectif ne se résume pas à la mise en scène d’un texte  mais à la production de l’ensemble du spectacle qui nécessite :

– Les répétitions du texte et l’écriture des préambules ou épilogues adaptés au contexte du projet

– Les intermèdes scéniques (chant, danse, mime, musique, percussions  etc….)

– Les décors et les accessoires

– Les costumes

– La gestion des coulisses

– La régie technique

– La communication (tracts, affiches, programme etc…)

2 : L’histoire et ses personnages

Un petit garçon face à son ordinateur joue.

 Une panne d’électricité et sa vie bascule dans le monde imaginaire de son jeu.

Il sera entraîné dans une histoire rocambolesque dont il sera le héros malgré lui. Une grenouille, celle qui est le personnage habituel de son jeu vidéo, lui demande de sauver les habitants de l’étang dans lequel elle vit avec ses congénères.

Il devra trouver au fil de l’histoire qui se cache derrière ce drame. Ce sera l’occasion de rencontrer différents personnages qui le mèneront à la source du problème : le sortilège lancé sur l’étang et ses habitants. Il parviendra à ses fins : sauver l’étang et retrouver sa chambre.

Les personnages du conte :

Ils sont listés premièrement selon la référence conceptuelle  de V.Propp définie plus haut puis du nom qu’ils tiennent dans la pièce.

Le héros

Raphaël : Un petit garçon « normalisé » en ce qu’il ne présente pas de particularité affichée, avec lequel des enfants peuvent facilement s’identifier et qui va endosser le rôle d’un héros malgré lui.

La princesse

Ranacula, la reine des grenouilles, responsable de la tribu des ranaculéens, mise en danger par les manipulations d’un alchimiste au service d’un roi malheureux.

La situation difficile que vit Ranacula la rend stressée et égoïste.

L’auxiliaire

Le crocodile alias le page, très bavard car malheureux de ne pas être aimé et d’avoir la réputation d être méchant qui sert la reine servilement

Tient le rôle de péripétie

Charles Hubert de la Gouttière du toit, premier fantôme à la cour qui tient à ses prérogatives, à la bienséance, qui n’effraie personne et ne s’intéresse qu’à lui.

Toto cou tordu alias chlorida,  deuxième fantôme discret, affligé d’un bégaiement qui en sait plus qu’il veut révéler et qui donnera les indices essentiels au dénouement de l’histoire.

Un autre auxiliaire

La servante, forte personnalité, maternelle et qui sait beaucoup de choses depuis le temps qu’elle sert au château.

Le donateur

La reine, Une  reine arrogante parce qu’elle souffre d’un mal secret, dont les épreuves ont conduit à nouer l’intrigue. Et donc à la dénouer.

Le roi

Personnage cité qui n’apparaît pas dans la pièce et qui est la cause du drame.

3 : Analyse du jeu et du texte

Face à la difficulté souvent éprouvée par les enfants pour comprendre, apprendre et restituer un texte, la pièce est partagée entre trois rôles difficiles et quatre rôles n’apparaissant de façon conséquente que sur une scène.

Ainsi, les deux rôles principaux que sont Raphaël et Ranacula ne quittent jamais la scène et enchaînent  les dialogues pendant toute l’histoire.

Les autres acteurs ayant moins de texte ont par contre des jeux plus excessifs quant à l’interprétation caractérologique : la folie de la reine, le dynamisme de la servante, l’arrogance du premier fantôme, l’humilité du deuxième fantôme et la volubilité du crocodile.

Le texte est écrit dans un français correct et ne s’autorise que peu d’écart. Cela oblige à une diction travaillée, un phrasé rythmé.

Excepté le rôle de la servante qui s’applique à prendre l’accent du terroir (qui pourra évoluer vers le titi parisien, le roulement des r ou l’introduction d’un  patois local).

Il est à noter également que le texte initial a été écrit en 1985 avec certaines références de cette époque (publicité, expression, chansons etc…). Soit le groupe décide de faire évoluer le texte et le replace dans le contexte à la mode, soit suffisamment ancré dans la mémoire collective, les références sont gardées comme clin d’œil à une culture assimilée par chacun aujourd’hui.(Un poisson, nommé Wanda en référence au film, ou bien « il est ou hein le petit, il est ou le youki chanson de Gotainer »)

Enfin, la pièce a été conçue de façon à ne pas être bloquée s’il s’avérait qu’il n’y ait pas assez d’acteurs pour monter sur scène, ce qui est quelquefois le cas quand on initie un projet sur un quartier vierge de toute expérience théâtrale.

Ainsi, elle peut être jouée par 4, 5, 6,7 acteurs, certains personnages, disparaissant dans le deuxième acte, peuvent être endossés par ceux ayant quitté la scène.

4 : De la fonction pédagogique au travail de mise en scène

Bien que la fonction pédagogique du théâtre soit depuis longtemps reconnue dans les milieux éducatifs, il acquiert un caractère légitime  par l’obligation en 2002 de l’inscrire dans les programmes scolaires. (1)

Précédemment, j’ai présenté la globalité des apports théoriques de l’étude du conte. J’aborderai dans ce chapitre la concrétisation de mon travail d’encadrante pédagogique sur les ateliers théâtre que j’anime.

 Plusieurs stratégies sont  mises en place pour l’appropriation du conte par les enfants. Deux étapes sont nécessaires pour que le texte devienne du théâtre.

1/ La première phase :

C’est une étape dans la connaissance globale de la pièce mais aussi d’interconnaissance des membres du groupe qui fera appel aux compétences communicationnelles des enfants. Ils devront savoir faire évoluer leurs échanges entre la fiction et la réalité, entre un langage structuré et la langue parlée habituelle et entre les silences et les propositions.

Quant à moi je tiens le rôle de  médiateur entre les enfants et le texte et les enfants entre eux.

Pendant les premières séances il y a une alternance entre trois approches :

a/ Je fais une première lecture du texte, ponctuée d’explications sur le déroulement de l’histoire et d’élucidation des mots  soit  inusités, soit inconnus du vocabulaire des enfants.

Afin de rendre le récit vivant, je lis avec le ton de ma propre interprétation qui sera au début copiée mais vite supplantée par celle des enfants au fur et à mesure de leur appropriation de la pièce.

Il est utile de rappeler que  « Imiter » au théâtre n’est pas « copier les apparences mais reproduire les forces créatrices intérieures qui produisent ces apparences » (2)

b/  Lecture des enfants, à l’italienne, par alternance afin que chacun s’exprime et s’approprie le texte.  L’enfant sollicité doit donc  sentir en sécurité. Avoir le texte entre les mains le sécurise car il retrouve une activité qu’il connaît : la lecture.

  Ce climat de confiance est obtenu tout d’abord par l’adhésion de l’enfant dans le jeu qui ne sera pas risqué pour lui puisque c’est le personnage qui parle. C’est la période d’appropriation de chacun du conte.

[1](1)  « Qu’apprend-on à l’école élémentaire? » CNDP, 2002 dans la partie LITTERATURE (dire, lire, écrire) : « mettre sa voix et son corps en jeu dans un travail collectif portant sur un texte théâtral ou sur un texte poétique »page 173

[1](2) ARISTOTE cité par D.MEGRIER « 100 jeux de théâtre à l’école maternelle » RETZ

De même, il se peut qu’un enfant bute sur une expression, un mot : c’est alors à moi d’œuvrer sur une facilitation langagière pour permettre à l’enfant d’exprimer au mieux le texte  sans que le sens de celui-ci  en souffre. Il est souvent arrivé que le texte soit modifié sur proposition des enfants.

Il est cependant important de garder une cohérence narrative notamment sur l’exigence de la qualité du vocabulaire.

Enfin, des mots comme par exemple, alchimiste ou stratagème sont détournés en les écorchant volontairement par un des personnages afin d’apporter une dose d’imperfection au  dialogue et ainsi  dédramatiser l’empreinte intellectuelle du texte, tout en étant restitué correctement par le héros, l’enfant.

c/ Scènes jouées afin que les enfants  aient une approche gestuelle du récit et qu’ils   « reconnaissent »   de manière intuitive le rôle qu’ils sentent le mieux afin de ne pas occasionner de frustration particulière.

En effet, Le jeu du corps engage le joueur dans l’espace, le mouvement, les rythmes et développe les réflexes. Autant que la parole, le corps s’expose au regard de l’autre, il est donc nécessaire d’être vigilant au climat de sécurité du groupe pour que chacun puisse s’exprimer avec aisance et plaisir. C’est une condition nécessaire pour que l’enfant puisse accéder au désir d’apprendre préalable à toute activité d’expression dont le théâtre.(1)

C’est tout au long de cette période préparatoire que la perspicacité est à l’œuvre pour repérer  les talents et les capacités des uns et des autres.

En effet, malgré la motivation sincère et réelle de nos acteurs, certains rôles demandent un effort plus soutenu de mémorisation et de diction que d’autres.

2/ La deuxième phase :

Le travail de la coordination du jeu des acteurs peut commencer car les enfants sont libérés de l’emprise réductrice de la  lecture qui donne un ton saccadé à la parole.

Selon les enfants, ce stade ne s’élabore pas au même rythme et je dois réguler les éventuelles comparaisons entre les enfants.

(1) « L’être humain a ceci de particulier qu’il construit sa propre valeur à partir de la valeur que l’autre lui accorde. L’enfant cherchera des renforcements de cette valeur dans toutes les marques de reconnaissances qui émaneront de la sphère sociale, il les cherchera en particulier dans ses enseignants. » Annie LANGLOIS. Nouvelle revue de AIS (adaptation et intégration scolaire), N°18.2002

Pour apprivoiser la parole et la gestualité théâtrale, ils ont besoin de se sortir de l’univers de l’apprentissage scolaire ou quotidien : cela nécessite  que je montre les scènes avec l’emphase adaptée à la pièce pour qu’ils osent se dépasser….c’est en quelque sorte une autorisation à braver les normes (cris, abus de langages, moquerie, rire etc…)

Cette phase constitue une approche psychologique des personnages qui nécessite que les acteurs aient partiellement mémorisé leur texte afin d’avoir la parole libre.

C’est le passage d’appropriation des rôles par la restitution des émotions vécues par les personnages.

L’expression théâtrale passe par  un travail complexe d’identification au rôle qui doit faire appel  aux  émotions et à  la mémoire des émotions. Cette maîtrise des émotions s’acquiert peu à peu par les exercices de répétition et de situation.

C’est à ce stade que la médiation que je porte est essentielle. Il faut que l’enfant  passe de l’état d’apprenant et de récitant à celui d’acteur. Les mots que j’emploie pour faire accéder l’enfant à l’univers symbolique et immaginaire doivent être riches d’images simples qui fait référence aux émotions qu’ils portent naturellement en eux car ils sont humains et qu’on joue sur l’humanité des personages.(le rire, l’ironie, l’orgueil,la peur etc….)

Puis quand ils y parviennent à être le personnage je dis combien j’ai été touchée, émue ou amusée par leur drôlerie.

Nous touchons là le travail de médiation artistique grâce auquel les enfants vont abandonner plus facilement les représentations qui, pensent-ils, plairaient à l’adulte mais faire appel à leur expression créative spontanée où tour à tour ils vont oser dire et oser faire ensemble

Enfin, il faut poser  les règles permanentes de l’atelier quant au respect du lieu et du travail de chacun.

A chaque séance il y a un moment d’ajustement crucial pour passer d’un groupe d’enfants dans un univers de jeux au sens ludique (ils reviennent en bande de l’école pour arriver au centre social) à une troupe organisée qui joue des rôles où le cri est admis dans la pièce de théâtre, et uniquement dans la pièce.

La même adaptation sera vitale pour les relations à venir dans le groupe : les acteurs, par le texte, peuvent être amenés à jouer des railleries et des attitudes moqueuses et en temps que personnes ne doivent se laisser aller à de tels comportements.

Mais quel regard  pourrait-t-on porter si la grenouille bleue devait traverser les âges, auréolée d’une notoriété croissante au point d’être sous les feux d’une analyse critique sur  les conditions de sa naissance.

Nantes le 25/XI/2088

« De l’interprétation du conte de la grenouille bleue »

Les premières traces du conte de la grenouille bleue nous conduisent dans une cité partagée entre son passé et son avenir, à la croisée de deux rivières, le confluent marque la frontière naturelle entre la ville, tranquille depuis toujours, et les nouveaux quartiers, flanqués de tours, issus de l’urbanisation de la politique des villes nouvelles des années 1960.

L’auteur dans cette fable, restitue peut être le désir de revenir aux temps anciens, celui régi par les certitudes où l’ordre se traduit par une hiérarchie sociale bien organisée.

Un conte de fée dans lequel la réalité va déraper à cause de la fée électricité.

Le progrès va engendrer le chaos, la folie et la magie salvatrice n’est qu’une utopie, une solution illusoire temporaire.

Il semble que l’auteur ait voulu montrer la difficulté à grandir et se réfugie dans le rêve des solutions faciles qu’offre la magie.

Plus tard on retrouve le conte de la grenouille bleue dans des interprétations moins féeriques, axées davantage sur le comique des situations avec une galerie de portraits caricaturaux comme on pourrait le voir avec des personnages de Molière.

Le conte semble s’être adapté aux décalages du temps où chacun peut exprimer sa folie en toute liberté. Le monde subit le changement de la modernité et le temps qui s’accélère.

Seul le héros reste d’une sobriété égale à celui qui doit sauver la situation.Il tient le cap de l’histoire. Stress contre sérénité.

Enfin, la trace de la grenouille bleue émerge dans deux provinces très éloignées du lieu de sa naissance.

Dans le Béarn où le conte prend ses libertés en apportant au héros une aide féminine par le biais d’une petite fille.

En Vendée, chargé d’une succession d’extensions et transformations le conte s’inscrit dans   une instrumentalisation à des fins plus politiques.

Les personnages sont porteurs d’un message collectif et solidaire.

L’interprétation possible est que l’environnement social est en crise et que les personnages n’aient qu’une issue, retrouver leur identité pour de nouveau trouver la voie par eux même, sans être guidés par la mère (la luciole disparaît), contexte d’une ville symboliquement fortifiée qui régente la vie des personnes.

Enfin, dans sa dernière version,  l’issue du conte revêt la crédibilité d’une histoire qui pourrait être vécue mais seule un personnage détient la vérité, les autres ne possédant que des bribes de réalité interprétant des signes qui vont permettre à la légende de naître : inspiration sans doute née des rumeurs observées au moment de sa création.

Les diverses mutations de cette farce nous montre que les contes se chargent des histoires de ceux qui les content, chacun marqués du contexte historique et social de leur époque.

Curieusement le conte est né dans une ville marquée par Napoléon (on y fête les grognards encore aujourd’hui dans le Parc des Noues) ; et notre étude se conclut dans une ville fondée par Napoléon.

Revenons à la réalité pour  réintroduire  le contexte global de la réalisation du spectacle sur deux quartiers de La Roche sur Yon.

I/ ENVIRONNEMENT DU PROJET

Chaque projet s’inscrit dans un contexte historique et culturel. Il me semble important de rappeler l’histoire de La Roche sur yon pour comprendre que ses habitants ont hérité d’une ville profondément marquée par son fondateur.

Tant sa création que l’évolution de  son organisation  illustrent la volonté de faire de La Roche sur Yon un socle de valeurs républicaines.

A/ La ville de La Roche sur Yon

1 : Une histoire particulière

La Roche sur Yon petit bourg, fût choisi par Napoléon 1er pour devenir capitale de la vendée comme l’atteste  le décret envoyé auprès des autorités administratives pour l’application de cette décision.(1)

Le choix de la  fondation de la ville  repose sur deux critères :

Un impératif de gestion  territoriale afin de  rétablir des équilibres géographiques et administratifs d’une région enclavée.

La capitale de la région était jusqu’alors Fontenay le comte, située à l’extrême sud du département.

L’ensemble du département, fait de bocage et de bois épais est difficile d’accès n’ayant pas de réseaux routiers suffisants.

Pour l’anecdote qui montre le retard des infrastructures routières du département, Il faudra 23 jours aux journaliers affectés aux travaux  pour aplanir la rue principale de Fontenay (de la République) pour que le carrosse impérial puisse correctement traverser la ville lors de sa visite.

(1)Extrait du site histoire du consulat et du premier Empire . www.hirtoire_empire.org/new_2004.htm_129k.

Au palais de Saint-Cloud, le 5 prairial an XII, Napoléon, Empereur des Français, sur le rapport du ministre de l’Intérieur,
Arrête ce qui suit : Article 1er. Le chef-lieu du département de la Vendée sera transféré à La Roche-sur-Yon le premier fructidor prochain.
Art. 2. Un ingénieur des ponts et chaussées et un officier du génie militaire seront envoyés à La Rocher-sur-Yon. Ils détermineront sur les lieux l’emplacement de la préfecture, du tribunal, de la prison, de casernes propres à contenir deux bataillons d’infanterie et les officiers, d’un hôpital militaire pour 300 lits, d’une manutention des Vivres, d’un magasin de subsistances et d’un lycée. Ils traceront l’ouverture et l’alignement des rues, dont le terrain serait concédé à la charge de bâtir des maisons. Leurs plans et projets seront dressés dans les proportions nécessaires à une ville de 12 à 15 000 habitants. Ils reconnaîtront le cours de l’Yon et détermineront l’espèce de navigation dont cette rivière est susceptible. Ces opérations seront dirigées et suivies de manière que les mémoires détaillés et tous les plans à l’appui soient présentés par le ministre de l’intérieur au premier travail de messidor prochain.
Art. 3. Les routes seront ouvertes entre La Roche-sur-Yon, Les Sables d’Olonne, Montaigu et Sainte-Hermine et dirigées de manière que la communication soit établie entre Fontenay, Nantes, Les Sables et La Roche-sur-Yon.
Art. 4. Un mémoire et des projets seront dressés pour faire connaître : l° les améliorations nécessaires au port des Sables pour qu’il devienne le port d’entrepôt de toute la Vendée, 2° les manufactures qui peuvent être établies à La Roche-sur-Yon et les encouragements qui peuvent être accordés.
Art. 5. La construction des bâtiments de la préfecture, du tribunal et de la prison commencera dès cette année. A cet effet, un fonds de 50 000 F est mis à disposition du ministre de l’intérieur.
Art. 6. La construction des casernes, de l’hôpital militaire, de la manutention des vivres et du magasin des subsistances commencera dès cette année. A cet effet, un fonds de 50 000 F est mis à la disposition du ministre de la guerre.
Art. 7. Les travaux pour les communications de La Roche-sur-Yon aux Sables d’Olonne, à Montaigu et à Sainte- Hermine commenceront sans aucun délai et seront poursuivis avec activité. A cet effet, un fonds de 300 000 F est mis à la disposition du ministre de l’intérieur
Art. 8. Les ministres de l’intérieur, de la Guerre et du Trésor public sont chargés de l’exécution du présent décret.

Un impératif politique de pacification de cette région traumatisée par les exactions républicaines de la terreur Révolutionnaire.

Le danger toujours imminent selon l’empereur de voir les anglais débarquer sur les côtes accentue le désir d’y installer et de contrôler par une forte garnison le secteur vendéen.

Enfin il existe une insurrection récurrente qui se solde par les soulèvements en 1803 d’Aizenay. Cette instabilité du pouvoir donne l’urgence nécessaire à la volonté de créer une ville sous le pouvoir de l’empereur et de son administration.

C’est ainsi que la ville « Napoléon », premier nom de la ville de La Roche sur Yon, naîtra sous la direction des études et travaux des Ponts et Chaussées, corps d’ingénieurs nés sous Napoléon, sans le concours d’architecte privé, du moins dans un premier temps. ». La population de la ville était alors essentiellement composée de militaires en garnison et de fonctionnaires, situation qui n’a guère évolué, La Roche sur Yon étant encore aujourd’hui un centre administratif avec un nombre importants de catégorie d’employés sur les services tertiaires, sans classe de population d’origine noble ou bourgeoise.

En effet son caractère artificiel ne lui conférait aucun attrait et il a fallu attendre le XXème siècle pour la voir prospérer de façon significative.

Regroupement de bourgs

La deuxième caractéristique de La Roche sur Yon est qu’après s’être très vite organisée en   enceinte administrative et militaire concentrée autour d’un pentagone parfait,  elle s’est développée au fur et à mesure de l’intégration des hameaux voisins. Ainsi,  Les Forges  un groupe de maisons était déjà inscrit sur la carte de Cassini au 17ème siècle, et a perduré jusqu’à  aujourd’hui.

La ville s’est donc  développée petit à petit, jusqu’à atteindre les limites du territoire de la commune et s’est donc historiquement construite autour des différents quartiers, leur donnant leur identité respective, ainsi elle  a fusionnée en 1964 avec deux villes limitrophes, Saint-André-d’Ornay et le Bourg-sous-la-Roche.

  Les quartiers Pyramides-Jean Yole étant les derniers, bâtis autour d’habitats collectifs dans les années 1970.

Depuis d’autres constructions récentes de type résidentiel comme La Brossardière se greffent sur les quartiers existants et leur infrastructure administrative et sociale sans, pour l’instant, modifier l’identité de quartier.

2 : La ville, un cadre de partenariat  pour les quartiers

La charte de partenariat  contractée avec les maisons de quartier de la ville de

La roche sur yon  s’inscrit dans la défense des valeurs fondamentales républicaines :

Elle défend le respect de la liberté d’association, de l’indépendance des projets et de l’autonomie associative.

Elle défend le respect du bien public, des services publics, la légitimité de l’élu au suffrage universel.

Elle défend la reconnaissance réciproque :

1/Des associations à être actrices de l’animation globale dans la cité,        de la vie sociale dans les quartiers, à être porteuses d’initiatives.

2/De la ville à conduire sa politique publique, à assumer ses      responsabilités et à développer son action publique envers tous les        habitants, à soutenir toutes formes de citoyenneté.

Il est établi que la reconnaissance des quartiers constitue une priorité de la politique de développement de la vie sociale de la cité.

Par cet engagement, il est affirmé

       1/que les quartiers et leurs associations représentatives sont des partenaires à part entière de la politique de la ville.

2/Le quartier, lieu d’identité sociale, culturelle et économique doit jouer un rôle essentiel dans la politique de développement urbain.

Dans cette perspective, les équipements de quartier représentent des lieux de vitalité, de liberté et de solidarité d’où peuvent émerger de nouveaux modes de relation entre les habitants.

La ville affirme avec force son choix en faveur de la vie associative et sa confiance dans sa capacité d’adaptation, de souplesse et de créativité des forces qui les constituent. Elle entend donc mener avec les associations un rapport de dialogue et de confiance basé sur la responsabilité.

Les associations reconnaissent le rôle déterminant des habitants dans son projet. Elles se fixent donc comme but la promotion des habitants de façon à ce que ceux-ci deviennent les acteurs de leur destinée et de la vie sociale locale tout en veillant à s’adresser plus particulièrement à tous ceux qui ont des difficultés à se faire reconnaître comme acteurs.

3: Un schéma fonctionnel autarcique

Malgré cette présentation reflétant une réalité concrète (aucun élu ne siège dans les conseils d’administration des maisons de quartier) j’objecterai à ce système organisationnel démocratique un péché de perfection.

Les intentions, louables au demeurant, de la ville à veiller sur le développement social de ses quartiers provoquent une omniprésence souvent vécue comme oppressante qu’on pourrait comparer à une maman parfaite qui pense et prévoit tout, contraire par essence à l’autonomie.

Dans le désir de bien faire, la ville est depuis tant d’années à la pointe du développement citoyen de ses administrés et par là même si présente dans  l’organisation démocratique par une profusion d’instances de concertation où elle est à l’écoute de ses habitants qu’elle provoque une inertie fonctionnelle préjudiciable.

 Les habitants sont devenus extrêmement exigeants envers « LA VILLE », habitués à être entendus au travers des multiples lieux de concertation, ils exercent trop souvent ce droit pour  obtenir la réalisation d’équipements publics en délaissant  le terrain des idées et des initiatives largement prises en charge par les services municipaux et les  chargés de mission.

Il n’y a pas à rechercher des idées propices au développement social car la ville a initié la réflexion avant ses habitants.

D’autre part, la ville, généreuse pour ses projets de quartier favorise toutes associations yonnaises répondant aux critères généraux définis par la charte associative, ce qui en soit est cohérent.

 Toutefois quand on pratique l’animation sociale, sportive et culturelle comme partenaire conventionné avec la ville, on finit par être dépendant d’un réseau de partenaires liés contractuellement ce qui appauvrit l’innovation, la créativité et l’adaptation à d’autres pratiques et d’autres champs.

Chaque association  subventionnée et légitimée va dans son champ alimenter le partenariat puisqu’elle a l’obligation contractuelle de travailler avec les quartiers.  Ce maillage n’est pas un circuit obligatoire puisqu’ aucune ingérence ne s’effectue sur la gestion des projets de quartier : c’est davantage vécu comme une vaste organisation convenue.

Cependant malgré la sévérité de ces observations, il n’en reste pas moins vrai que La Roche sur Yon est un lieu de  démocratie participative et qu’elle est l’exemple des limites que doit s’imposer l’animateur dans l’accompagnement de projet pour ne pas empiéter sur le terrain de l’initiative individuelle et collective des habitants.

Dans mon analyse je n’oublie pas la situation politique particulière à la Vendée où s’affrontent deux blocs qui ne se concèdent aucun terrain d’entente, la ville et le conseil général,  ce qui fait de La Roche sur Yon et ce depuis des décennies  une ville fortifiée, ancrée farouchement dans ses valeurs républicaines.

B/ Les moyens d’une politique sociale et culturelle forte.

1 : Les maisons de quartiers

Elles sont au nombre de neuf réparties sur l’ensemble de la ville.

Elles reprennent en partie la sectorisation initiale des quartiers qui se sont implantés au fil des ans dans le maillage territorial de La Roche sur Yon.

Au sud de la ville, elles sont implantées dans les quartiers pavillonnaires voire résidentiels de dernière génération qui pour certains se sont greffés sur d’anciens bourgs existants (Le bourg et Saint André d’Ornay).

La maison de quartier du Bourg

La maison de quartier de la vallée verte

La maison de quartier du Val D’Ornay

La maison de quartier de Saint André d’Ornay

Au centre, La maison de quartier de la liberté et celle du Pont Morineau,

Au nord de la ville, elles sont situées au cœur des l’habitat collectif ou pavillonnaire de type plus ancien à l’exception de certains lotissements :

La maison de quartier des Forges

La maison de quartier des Pyramides

La maison de quartier Jean Yole

Leurs objectifs sont régis par les chartes et conventions définis par les partenaires financiers et sont pour la plupart sous le statut de centre social, excepté La maison de quartier du Pont Morineau.

Il n’y a pas de différence fondamentale dans leur mission quoique toute organisées selon un fonctionnement qui leur est propre, émanation de leur conseil d’administration. 

Elles sont toutes adhérentes de l’association ACYAQ.

2 : L’Association de coordination yonnaise des quartiers

L’ACYAQ est une émanation de l’ensemble des quartiers de La Roche sur Yon.

Ses objectifs contractuels avec la ville sont la coordination, le soutien et la promotion des actions initiées au sein des associations adhérentes, à leur demande.

Par cette convention elle peut être amenée à être opérateur pour la mise en œuvre d’actions coordonnées. Cette mission sera négociée et conventionnée avec la ville et les maisons de quartiers.

Elle est également gestionnaire des moyens matériels, mutualisés, mis à disposition prenant la forme d’une coopérative.

Son action se décline en 3 points :

  1. Etre un lieu d’échange, de réflexion, d’harmonisation, d’animation, d’évaluation et de gestion au service de la vie associative socioculturelle yonnaise pour soutenir l’action des maisons de quartier.
  • Ces structures continuent à définir et gérer les projets d’animation spécifiques à leur champ d’intervention sur leur quartier respectif.
  • Elle assure la gestion administrative et financière des personnels permanents qu’elle met à disposition des associations de quartier à vocation d’animation globale.

3 : Les équipements culturels

La Roche-sur-Yon possède les équipements d’une ville de 100 000 habitants telle la Scène nationale du manège qui prouve la volonté politique d’offir un lieu de culture qui  accueille de nombreux artistes dans un cadre de qualité.

Elle dispose pour agir :

– du Théâtre municipal de  350 places, actuellement en cours de rénovation, réouverture en janvier 2005 et remplacé temporairement par la salle du Concorde de 240 places,
– de la salle du Manège de 840 places,
– d’un studio de danse,
– de la Maison Gueffier

 La Médiathèque de la Ville qui accueille les nouvelles technologies de l’information et de la communication, a ouvert ses portes en 2000.

La médiathèque Benjamin Rabier s’inscrit aujourd’hui au cœur d’un réseau réparti sur cinq sites, deux sites en centre ville (médiathèque centrale et département art) et trois équipements de proximité dans les quartiers (médiathèques de Saint-André-d’Ornay, du Bourg-sous-la-Roche et des Pyramides).

La Vidéothèque propose un panorama de la création cinématographique depuis le début du siècle. Elle rend compte de la variété de la production en France, en Europe et dans le monde.

L’Artothèque est un service de prêt d’estampes (gravures, lithographies, sérigraphies) et de photographies originales, qui permet aux particuliers et aux collectivités d’intégrer dans leur environnement (domicile, association, établissement scolaire) des témoignages de l’art

L’Ecole d’art municipale propose une formation aux pratiques plastiques, ouverte à tous les publics
(enfants, jeunes et adultes).

Enfin, les structures et activités festives à La Roche-sur-Yon permettent au Yonnais de bénéficier d’une animation urbaine tout au long de l’année : Carnaval, Journées du Patrimoine, Fête du goût, Biennale des Jardins et Paysages, Marché de Noël, Zygomates (festival des Arts de la rue), Festival du film « En route pour le monde » et le, Fuzz’Yon, scène de musiques amplifiées.

Le chapiteau culturel

Dernier né des équipements culturels gérés par le service culturel de la ville, il a été conçu dans le but d’apporter l’animation culturelle au cœur des quartiers.

Ancien barnum, il a été réhabilité en salle de spectacle pouvant accueillir entre 100 et 150 places assises organisées autour d’une scène de 7m par 6m.

Il est équipé d’une régie technique et du personnel s’y afférant comme toute salle de spectacle.

L’objectif étant de permettre l’accès aux habitants des quartiers à des spectacles de proximité de qualité mais aussi de promouvoir l’art populaire des quartiers à la dimension de la ville.

La ville prenant en charge la totalité des budgets initiés pendant le temps d’animation sur le quartier mis en œuvre par la coordination du chapiteau et de l’équipe associative des quartiers.

Cela répond à un besoin d’associer les habitants  à l’animation culturelle de proximité, par la mise en place d’une coordination avec les acteurs que sont les bénévoles et les professionnels des associations pour réfléchir ensemble à une programmation culturelle prenant en compte l’identité du quartier.

L’inauguration de cet équipement avait été prévu dans un premier temps sur le quartier des Forges avec en lever de rideau une représentation du spectacle de la Grenouille bleue, conte réalisé par l’ensemble de l’équipe  de la maison de quartier dont j’étais à l’époque, la directrice.

Malheureusement, les autorisations d’ouverture n’ayant pas été obtenues  par la ville au moment de la finalisation du spectacle en avril 2003, l’objectif final de le présenter sous le chapiteau culturel n’a pas été atteint.

Mon départ en congé parental n’a fait que retarder davantage le projet.

L’aventure du conte se poursuit  et je me propose de vous en restituer l’histoire de puis le début et de vous en exposer les  suites qui permettra  de la finaliser par sa programmation sous le chapiteau des Arts nomades prévu pour octobre 2005, sur le quartier Jean Yole.

III/ PREMIER ACTE DU PROJET «  LA GRENOUILLE BLEUE »

Il se situe sur le quartier des Forges, dans le cadre du projet social de l’Aadiqno, association de gestion du centre social de ce quartier.

J’ai pris mes fonctions de direction sur cette association au lendemain d’une période de rupture entre l’Aadiqno et la ville et au moment du renouvellement de l’agrément du projet social.

C’est pourquoi il m’apparaît nécessaire, pour une meilleure compréhension de la situation du quartier au moment de la mise en place du projet de la grenouille bleue de faire un retour sur l’histoire du quartier et de l’association en plus du diagnostic social.

A/ L’environnement historique et social du quartier des Forges

1 : Histoire singulière  du quartier des Forges

 A l’origine la création de l’Aadiqno est fondée sur  une revendication légitime : Faire reconnaître les difficultés quotidiennes que vivent les habitants du fait du passage à niveau.

 La Roche sur Yon étant la gare centrale de la Vendée,  le réseau fonctionne beaucoup et occasionne de nombreuses fermetures du passage à niveau (76 trains par jour).

En effet, la liaison ferrovière est une frontière naturelle qui coupe le quartier des Forges du centre ville sur toute la longueur et qui de fait isole ses habitants qui ne peuvent traverser la voie sinon au passage à niveau, limite du quartier.

Le contournement de la voie ferrée pour rallier le centre ville occasionne un important détour pour les habitants tant en voiture, qu’à pied.

Le journal de quartier a d’ailleurs pour titre « au-delà du rail ».

La mobilisation des habitants autour du passage à niveau aboutira à la création d’une première association « association des utilisateurs du passage à niveau » en 1973 avec des réunions dans les sous sol des bâtiments collectifs.

Les besoins émergents de la population et la montée de la délinquance aboutiront à la modification de l’association par une nouvelle appellation : « L’Aadiqno ».

2 : L’AADIQNO, un militantisme de combat.

L’Aadiqno, association d’animation et de défense des intérêts du quartier nord ouest emprunte pour sa dénomination un vocabulaire dont on pressent une connotation combative.Il évoque un respect militant et citoyen qui ne s’est jamais démenti au fil de son histoire.

En effet, le mot défense n’est pas vain puisqu’il illustre des positions qu’a eu l’association dans son passé :

  • Mobilisation en 1977 contre l’implantation d’une grande surface sur le terrain pressenti pour la création du centre social.
  • Construction en 1980-1981 de la maison de quartier sur les plans proposés par les habitants.

–     Résistance organisée par l’association pour garder en autogestion le personnel d’animation du centre social. Seul le poste de direction restera sous la gestion associative de l’Aadiqno avec l’aide de la subvention conséquente (42 000 euros)du conseil général.

  • Réalisation de l’équipement café-club sur le terrain annexe de la maison de quartier.
  • Création d’un chantier d’insertion au terrain d’aventure en 1990-1991 et conflit avec la ville pour que la structure reste à l’Aadiqno et ne soit pas intégré aux centres de loisirs de la ville.
  • Volonté affirmée de garder ses activités de soutien scolaire en gestion indépendante sans intégrer l’organisation « accompagnement scolaire » géré par les services scolaires de la ville.
  • En 2000-2001, éclate le conflit récurrent de la gestion du poste de direction entre l’Aadiqno et la ville qui souhaite l’inscription du poste de direction à l’Acyaq ainsi que le changement de convention collective (SNAECSO) pour celle du SNOGAEC (convention de l’ensemble des autres maisons de quartier de la ville.

L’association va se bagarrer fermement pendant des mois mais sous la pression de la ville de La Roche sur Yon qui la menace de lui retirer sa mission d’intérêt général et les subventions qui en découlent, elle perd la bataille.

Cela entraînera   la démission de la majorité de ses administrateurs et de son directeur. C’est à la suite de cette rupture que je prends mes fonctions au sein de l’Aadiqno.

L’association poursuivra sa mission, acceptant les règles de la municipalité de rallier l’organisation de l’Acyaq et d’adhérer de fait à la convention collective du SNOGAEC.

La défaite face à la ville réduira la force mobilisatrice de l’Aadiqno mais l’association restera vigilante à faire entendre sa voix pour ce qui est de l’aménagement et l’animation de son quartier.

Ainsi,  quand il s’est décidé le passage d’une voie souterraine déviant la circulation du quartier pour le passage du rail par la mairie, l’Aadiqno  a organisé des réunions d’information, de réflexion et de propositions concrètes quant à la réalisation du projet d’aménagement.

Son identité ne trouve pas sa source seulement dans le conflit, elle s’est élaborée grâce à des actes solidaires en faveur de l’ensemble de ses habitants.

Elle n’a pas hésité à ester en justice en faveur d’une des habitantes du quartier qui avait subi un outrage racial.

De même qu’elle a su  intervenir par la mobilisation des réseaux professionnels nécessaires à la régulation d’un  conflit de voisinage perturbant la vie de quartier.

Ces exemples, et ils ne sont pas exhaustifs, montrent que l’Aadiqno dans un désir d’autogestion affirmée est capable d’une grande mobilisation citoyenne pour garder la responsabilité du devenir dans son quartier

3 : Une classification « zone urbaine sensible »

La typologie du quartier est comme beaucoup de territoire classé  ZUS, partagée entre des habitats collectifs et des zones pavillonnaires.

 Le cœur historique du quartier des Forges est à l’origine constitué de modestes maisons essentiellement occupées par les familles de cheminot.

Le développement démographique de La- Roche sur-Yon à partir des années cinquante a abouti à la construction successive de zones d’habitation partagée entre pavillons et HLM.

 L’installation des familles d’origine diverses (rurales, ouvrières, immigrées et rapatriés d’Algérie) s’est opérée de façon régulière et progressive pour atteindre en 1975, 5600habitants.

Une restructuration des logements effectuée à partir de 1984 avec la transformation d’un des HLM d’habitation en bureaux pour les organismes sociaux, et le regroupement des familles en situation monoparentale sur les logements collectifs et enfin les effets de la dénatalité entraîneront la baisse du nombre d’habitants en 1992 à 4600.

Les caractéristiques principales de ces quartiers sont qu’ils regroupent une population fragilisée par quatre facteurs situationnels principaux : (1)

  • Les femmes en situation monoparentales.
  • Les personnes isolées .
  • Les personnes immigrées.
  • Les anciens ouvriers souvent en situation de chômage après la chute de l’activité secondaire.

(1) Source Contrats de ville 2000-2006 – Atlas régional – Délégation interministérielle à la ville – avril 2002

 parmi les quelques 730 000 familles résidant en ZUS et ayant au moins un enfant de moins de 25 ans, près de 30 % (29,6 %) sont monoparentales contre 17,4 % au plan national, cette dernière spécificité des ZUS s’est accusée sur la dernière décennie.

En outre, les familles monoparentales ne constituent pas une catégorie homogène et celles qui habitent en ZUS se distinguent par plusieurs traits souvent associés à une plus grande vulnérabilité : elles ont en moyenne un nombre plus élevé d’enfants à charge, l’adulte responsable de la famille est plus souvent jeune (dans 16 % des cas il a moins de 30ans alors cette proportion est de 10% France entière ), dans près de 9 familles monoparentales résidant en ZUS sur 10, l’adulte est une femme et la moitié d’entre elles n’ont pas d’emploi ( elles sont au chômage ou inactives), ce dernier type de familles est, on le sait par ailleurs, particulièrement exposé au risque de pauvreté.

Parmi les jeunes de moins de 15 ans habitant en ZUS en 1999 environ 23 % vivent dans une famille monoparentale,c’était le cas d’un peu plus de 16 % d’entre eux en 1990, cette progression peut sembler rapide mais elle est en proportion du même ordre de grandeur au niveau national.

 la part des personnes vivant seules, si elle reste en 1999 inférieure à la place de ce type de ménage dans l’ensemble des ménages urbains, a progressé plus rapidement dans les ZUS pour représenter en 1999 presque un ménage sur 3 (31,9 %).

Comme dans l’ensemble du territoire, la part de la population de nationalité étrangère a diminué dans les ZUS entre1990 et 1999, elle est à cette dernière date de 16,5 % contre 18,6% neuf années auparavant, mais elle reste plus de trois fois plus élevée que le taux national (5,6 % en 1999). Dans le même temps, la surreprésentation des ménages dont la personne de référence est étrangère s’accuse au cours de la décennie : de 15,7 % des ménages habitant en ZUS,leur proportion passe à 16,8 % tandis que la part de ces ménages dans l’ensemble de l’urbain est en légère baisse (de8,1 à 7,8 %). Ces évolutions en apparence paradoxales peuvent s’expliquer par une diminution particulièrement rapide dans les ZUS de la taille des ménages dont la personne de référence est étrangère et par des acquisitions de nationalité française (ou déclarations de nationalité française au recensement) plus fréquentes dans les jeunes générations d’enfants dont les parents conservent leur nationalité d’origine.

Quartiers populaires, les ZUS comptent dans leur population peu de ménages de cadres et de professions intellectuelles supérieures et peu d’indépendants et chefs d’entreprises. A l’inverse, les ménages d’employés et surtout d’ouvriers 2 y sont surreprésentés : ainsi, en 1990 plus d’un ménage sur trois y est ouvrier

Le quartier des Forges garde une population plus jeune que la moyenne française, même si cela a un caractère dynamisant il n’empêche que c’est une population plus fragilisée souvent vulnérabilisée dans sa situation face au chômage notamment.

  • Les 0-24 ans représentent 37% de la population (25.6% pour la France en 1990)
  • Les 25-59 ans représentent 44% de la population (53.8 % pour la France)

–     Les 60 ans et plus représentent 19% de la population (20.6 % pour la France)  

Plus précisément, sur 95 familles inscrites sur le secteur enfance du quartier en 2002, on note :

–      24,26 % en situation précaire (RMI, chômage, allocation AAH ou parent isolé) dont 31 familles en situation monoparentale.

–      33,36% avec un revenu

–      30,33% avec deux revenus

–      2,2% retraités avec enfants à charge

–      2% familles d’accueil

Les usagers du secteur enfance vivent pour la moitié d’entre eux avec de faibles revenus et pour un tiers en situation de précarité sociale.

Si on prend comme grille de lecture le calcul du quotient retenu par la caisse d’allocations familiales, elles relèvent pour un tiers des effectifs au trois premiers quotients CAF.

Le quartier des Forges n’offre que très peu d’activités commerçantes ou d’implantation d’entreprise.

 Il a par contre un ensemble groupé d’équipements éducatifs : lycée, collège et écoles et un fort regroupement de services administratifs et sociaux au sein des logements collectifs.

Le quartier a donc subi comme beaucoup d’autres semblables les distorsions de la crise économique des années 80 et subit encore aujourd’hui l’image d’un quartier difficile.

B/ Diagnostic du projet social

La maison de quartier des Forges est soumise aux règles d’agrément de la CAF comme centre social et à ce titre doit régulièrement établir un projet social visant par ses orientations à répondre aux aspirations des habitants du quartier.  

Alors que  l’association a défendu la réalisation de ses équipements pour son projet de quartier, l’Aadiqno n’a pas toujours su faire évoluer son action avec les nouveaux  besoins du quartier et le dernier diagnostic social a montré les limites de son rayonnement sur le quartier.

1 : Des équipements sous utilisés

Par la convention signée avec la municipalité de La Roche sur Yon  l’Aadiqno est responsable de la gestion et de l’animation de certains équipements du quartier des Forges.

La maison de quartier : Vaste équipement de 616 m2, elle abrite toutes les instances relatives à la mission d’animation globale : Réunions, commissions, bureaux, conseil d’administration, relais partenarial et location de salles.

Et de fait les bureaux du personnel de direction, du secrétariat et de l’équipe d’animation se trouvent dans les locaux de la maison de quartier.

Outre sa fonction de siège social de l’Aadiqno, la maison de quartier a aussi la vocation d’accueillir les activités du secteur adulte tant culturelles, de détente que sociales.

La maison de quartier se découpe en trois salles d’activités, trois bureaux et une cuisine.

La grande salle est aménagée pour recevoir des spectacles de petite envergure, des expositions, des assemblées ou des fêtes conviviales pour 200 personnes.

L’atelier sert aux activités salissantes car il est doté d’un évier. La peinture sur soie et les arts plastiques sont dans cette salle.

Le salon est adapté aux activités de détente, jeux de société, broderie, sophrologie et les réunions comme le conseil d’administration ou partenariales.

Le café-club : Sur une surface totale de 377 m2, quatre petites salles s’échelonnent autour d’un espace central équipé d’un bar et d’une cuisine.

Le café-club est l’outil privilégié pour toutes les rencontres conviviales comme accueil dînatoire un soir par semaine ouvert aux habitants du quartier.

Il accueille aussi l’accompagnement scolaire. Exceptionnellement il est un lieu de  repli pour les activités liées au secteur jeune.

Enfin l’éducateur de prévention de la ville a son bureau dans ces locaux.

Le bricojeux : s’organise autour d’un bureau, d’une remise, d’une cuisine et de deux salles d’activités pour une totalité de surface de 87 m2.

C’est ici que se déroulent les activités du secteur enfance dont celles du centre de loisirs bien qu’il ne soit  pas adapté aux activités de l’enfance (pas de salle de repos, un seul toilette perché en  au haut des escaliers qui ne répond pas aux normes)

Il se situe au cœur de bâtiments HLM.

Le terrain d’aventure : bâti sur un îlot de verdure, au milieu du quartier pavillonnaire des pâquerettes et depuis peu de la Brossardière, cet espace d’animation de 140 m2 est utilisé exclusivement pendant la période d’été comme supplément d’espace ou pour organiser des activités de plein air tant pour le secteur jeunesse (caisse à savon) que pour le centre de loisirs.

Il est distribué autour de deux salles d’activités, un bureau, deux garages et des sanitaires mais n’étant doté d’aucun moyen de chauffage il n’est utilisé qu’en période d’été.

C’est ici que se passe la kermesse de fin d’été.

Le terrain arboré permet à tous les habitants du quartier de profiter d’un espace en toute sécurité pour les fêtes d’été mais il n’est pas ouvert et son utilisation passe par la maison de quartier.

Ce sont donc 1220 m2 que peut utiliser l’Aadiqno pour son animation globale.

Hors quand on restitue par secteur la capacité d’utilisation, on constate que les secteurs enfance- jeunesse  ont de  manière permanente et régulière qu’une faible part de l’espace d’animation disponible.

Seul,  l’accompagnement scolaire utilise l’espace du café club, deux soirs par semaine.

La majorité  de l’espace des équipements de l’Aadiqno est dévolue aux activités adultes.

2 : Une offre culturelle peu ciblée sur les habitants.

Le choix de l’équipe d’animation est de ne pas proposer un accueil de type foyer de jeune mais de déterminer des actions élaborées autour de la notion de projet avec un autofinancement à la clé.

Paradoxalement quand on analyse le type d’action qui est menée, on note que de nombreuses activités s’élaborent avec des prestataires de service sur des animations consuméristes (kart, bowling, mac do etc).

Même si des projets sont conduits  avec une réelle recherche pédagogique d’autonomie comme la production de cidre ou l’atelier caisse à savon, l’offre est ciblée autour des activités de loisirs.

 Il n’y a pas de proposition d’activités culturelles en direction des enfants et des jeunes du quartier.

Aucune activité  culturelle de type ateliers permanents, ouverts n’est proposée aux habitants pour leurs enfants en dehors du fonctionnement du centre de loisirs qui est un accueil ouvert à la journée ou demi journée.

Les familles n’ont pas de contact avec la maison de quartier puisque les activités sont développées au sein du Bricojeux en autonomie totale de fonctionnement (inscriptions et paiements

Tandis que les activités culturelles pratiquées dans les locaux de la maison de quartier : yoga, sophrologie, peinture sur soie, arts plastiques, broderie, jeux de société, danse de salon s’adressent en grande majorité à des adultes ne vivant pas sur le quartier.

A cela s’ajoute que les activités inchangées depuis très longtemps ne répondent plus aux  besoins des nouveaux habitants installés sur la résidence des Brossardières.

Les nouvelles familles  dites moyennes  sont à la recherche d’activités plus culturelles à partager avec leurs enfants et non plus des activités de type centre de loisirs, seule offre de loisirs actuellement développée à l’Aadiqno pour les enfants.

Enfin la population magrhébine, importante sur le quartier en raison de l’implantation voisine de la mosquée ne fréquente pas les activités adultes existantes et ne sont d’ailleurs pas représentées au sein des instances de l’Aadiqno.

3 : Une organisation de la vie statutaire excluante.

L’organisation de la vie statutaire correspond au même schéma.

En effet, à l’image de l’organisation des activités, l’adhésion n’est soumise qu’aux personnes pratiquant des activités régulières.

De fait comme il n’y a pas d’activité culturelle en destination des jeunes et de l’enfance, les familles ne sont pas adhérentes et ne peuvent donc pas participer à la vie statutaire de l’association.

Cela n’empêche  pas les familles du Bricojeux ou les jeunes à souscrire à l’adhésion.

Cependant la légitimité de l’adhésion est inverse dans le sens où les personnes qui sont membres actifs sont pour beaucoup externalisés à la vie de quartier tandis que ceux qui sont directement concernés par le projet social ne sont qu’usagers et ne peuvent voter les orientations de l’assemblée générale.

C’est en prenant en compte l’ensemble de ces constats que l’Aadiqno et l’équipe professionnelle va proposer un nouveau projet social pour la période 2001-2005.

C/ L’AADIQNO, l’ouverture vers tous ses habitants

1 : permettre aux habitants de s’investir dans la vie du centre social 

– C’est revoir l’organisation des instances associatives et les formes de participation des différents publics.

Par le biais de l’adhésion, les habitants doivent se réapproprier l’outil politique  du projet social dont les définitions sont débattues dans les commissions et validées à l’assemblée générale.

Les ateliers d’expression mis en place  pour le projet de la grenouille bleue soient la danse, le théâtre et le  hip hop pour les enfants et les jeunes permettront l’adhésion à la maison de quartier des familles.

Cela leur permettra également d’investir les commissions liées au secteur culturel.

– C’est encourager les initiatives émergentes des personnes du quartier par un soutien logistique de leurs actions.

L’ouverture au sein des locaux de la maison de quartier à un autre public que celui des ateliers adultes  participe à l’échange des habitants avec l’équipe bénévole et professionnelle qui ne se côtoient que peu.

En effet l’animation étant organisée par secteur territorialement distinct.

Les familles pouvant s’inscrire au centre de loisirs au bureau du bricojeux, elles n’ont pas à aller à la maison de quartier. Elles n’ont donc pas d’occasion de rencontrer les bénévoles ni les animateurs relevant des autres secteurs.

Pour faire des projets ensemble, la notion préalable est la rencontre.

– C’est réinterroger les référents des ateliers adultes existants sur la notion de projet social.

Il faut rappeler que les référents des activités sont au-delà de l’encadrement technique un relais entre les usagers, les adhérents et la maison de quartier.

Leur rôle est aussi d’informer les nouveaux adhérents qu’il y a solidarité entre les secteurs différenciés dans le projet social et que leur cotisation participe à la mise en place d’actions en faveur de l’enfance et la jeunesse.

L’acte d’adhérer à une maison de quartier plutôt qu’à un club n’est pas neutre et qu’il ne peut s’agir principalement de pratiques consuméristes. Le fait de participer à un évènement culturel tel qu’une pièce de théâtre c’est se mettre au service d’un  quartier.

Cela  participe au processus de mixité sociale et au maintien d’un esprit collectif inhérent à un projet de quartier.

Le projet de la grenouille bleue étant entre autres l’occasion de rassembler des personnes issues de toutes conditions à réaliser un projet collectif élaboré à partir des ressources des personnes participant aux ateliers.          

2 : Promouvoir la culture

– C’est permettre la diffusion des cultures du monde.  L’initiation à l’art comporte un élément majeur de découverte des autres cultures.

Au travers des différentes scènes de la pièce, les enfants vont voir et entendre diverses sources d’expressions auxquelles ils ne sont pas toujours habitués dans leur milieu environnant.

On peut ainsi accéder à ce qui est différent de soi ce qui implique une reconnaissance de l’autre.

– C’est être le relais d’autres expériences scéniques qui ont leur place dans le registre des pratiques artistiques amateurs.

Nous dansons en première partie sur une chanson écrite et réalisée par les enfants du  quartier de la liberté « Des hauts et des bas ».

Les enfants intègrent le fait qu’il y a reconnaissance de  leur production artistique.

              3 : Favoriser des activités d’expression et de création

–  C’est développer des ateliers de création et d’expression

Ouvrir les enfants à des activités de création par une initiation à des disciplines artistiques comme la danse et le théâtre. Cela permet une ouverture de soi au monde qui l’environne.

       – C’est offrir un terrain d’expériences à l’expression de ses émotions.

La construction de l’identité se fait aussi par la confrontation de ce que je suis à ce qui m’entoure.(1)

La création permet de traduire des émotions, des ressentis et à reformuler des représentations qui n’appartiennent qu’à soi.

C’est aussi la possibilité d’exister autrement que par le jeu des savoirs normés car la création est libre de toute contrainte.

  • « Si elle réussit, cette quête d’identité génère l’estime de soi et fournit l’énergie émotionnelle nécessaire pour continuer à vivre. En cas d’échec, elle peut s’avérer dévastatrice. D’où son importance capitale. L’identification à un groupe, par exemple, permet à l’individu, paradoxalement, de se donner l’impression de posséder une plus grande personnalité, de se dépasser, de se sentir davantage lui-même » cité par Pierre Brais d’après « L’invention de soi, une théorie de l’identité ».Jean Paul KAUFFMAN Armand Colin / 2004

D/ Le montage du spectacle

              1 : Les ressources collectives de l’Aadiqno

1/ Les référents d’activités

Les activités culturelles et artistiques de la maison de quartier de Forges sont structurées en ateliers encadrés pour certains par des bénévoles pour d’autres par des salariés de l’Aadiqno dont les contrats sont en CDI.

Ce sont donc des personnes ayant une forte connaissance du quartier, de son projet social même si leur implication doit être réactivée.

C’est ce que nous chercherons à faire dans le projet de la grenouille bleue en leur démontrant l’utilité sociale d’engager leurs savoir faire dans l’action collective.

Une première réunion a permis de rappeler la nécessité de travailler aux orientations globales du projet social, comme objectif général de la structure.

Une deuxième réunion afin d’expliquer comment s’investir  dans le comité de pilotage pour définir les rôles de chacun dans l’élaboration du spectacle et d’en suivre les modalités de réalisation avec l’ensemble des acteurs du projet.

a/ La danse de salon

L’équipe : Martine.G, Jacky.B,

Cette discipline s’apparentant plus aisément au spectacle, il a été simple à mettre en place.

Malgré un groupe important de danseurs fréquentant les cours il a été retenu l’hypothèse de n’avoir que deux danseurs sur scène pour des raisons d’espace.

En effet, un tango étant la danse retenue, la place sur scène ne permettait pas d’accueillir un groupe entier.

De plus, c’est le président de l’association qui fût mis en scène, étant lui-même référent des cours de danse.

Cela        nous paraissait important dans le projet que les référents s’investissent, la pièce étant jouée lors de l’assemblée générale. Le choix fut voulu d’être un spectacle rassembleur des énergies bénévoles du quartier et non un spectacle assimilé à un gala d’élèves

b/ Les arts plastiques

L’équipe : Madeleine T, Marie Claire P, Fabrice H.

Il a été plus facile d’investir cet atelier qui s’est naturellement porté sur la création des décors.

Nous avons repris ensemble la lecture du conte pour réintroduire les éléments de l’histoire permettant aux personnes de s’approprier l’ambiance et le décor qui en découlerait.

Comme pour la peinture sur soie, c’était une première expérience pour les personnes de participer à une expérience collective, leurs créations étant habituellement individuelles.

Il a donc fallu qu’elles créent ensemble un dessin qui serait ensuite reproduit à grande échelle (4 m x 3m).

Un des parents des enfants, étant peintre de métier, il s’est intégré à l’équipe et a apporté  le procédé permettant de projeter à partir d’une maquette un dessin à l’échelle de la scène, ce qui a facilité l’opération de reproduction du dessin.

Le dessin réalisé dans un premier temps au crayon sur une pièce de tissu, a ensuite été peint par l’équipe qui s’est relayée  en organisant son travail en autonomie.

Il est à noter que l’équipe a choisi de reproduire à l’identique l’étang qui se trouve être celui qui jouxte la maison de quartier, face au café club, reconnaissable outre ses ajoncs et ses arbres, au chemin qui le longe dans son pourtour.

La porte, nécessaire au décor suivant, a été également conçue et peinte par l’équipe.

La mise en place des fausses  toiles d’araignées a été testée lors des répétitions

et c’est resté la mission de l’équipe les jours de spectacle.

c/ L’art floral

L’équipe : Josette.D, Monique.R, Jeanine.B

Comme pour la peinture sur soie, l’art floral ne se destine pas à être mis en scène.

Pourtant, nous avons recherché le moyen d’intégrer dans le spectacle cet art.

Nous avons donc eu l’idée d’aller chercher une grosse souche d’arbre en laissant le soin aux participants de l’atelier de l’habiller d’un décor floral.

Le résultat fut très réussi. La souche fût mise en évidence face au public.

d/ L’atelier broderie

L’équipe : Eliane.G, Thérèse.V, Nathalie.M, Mado.G, Andrée.S, Jocelyne.T, Ginette.C, Catherine.C 

La référente m’a demandé de dessiner les costumes n’en ayant jamais réalisé auparavant.

A partir de mes schémas succincts, l’équipe de couture a ensuite réalisé l’ensemble des costumes de scène, ce qui a représenté un important  travail.

En effet, l’équipe a réalisé 29 costumes : 15 spectres, 8 grenouilles, 6 personnages. Un à un chaque acteur et danseur est passé à la toise afin que les costumes s’ajustent à la morphologie de chacun.

Il a fallu également tenir compte de la spécificité du choix des adolescents à qui on ne fait pas porter n’importe quelle tenue. Nous avons donc écouté les doléances des jeunes dans l’élaboration de leurs costumes : pas trop moulants, avec des couleurs neutres, pas de jupes mais pas des pantalons informes sans style (prononcez staïle !).

Respecter leurs avis nous a permis de les associer au travail de coupe, ce qui a permis de les initier à la couture et par là même à leur montrer la difficulté de mettre en « couture » un dessin ou une idée.

Cet atelier a atteint l’objectif d’un dialogue fructueux entre les générations, l’atelier étant fréquenté en très grande majorité par des femmes à la retraite.

A l’issue du spectacle les rapports ont changé.

Chaque grenouille était unique : Des pièces de  broderies  camaïeux ont été rajoutés sur le tissu initial et cousus avec des points différenciés.

Le crocodile spécialement difficile à réaliser avec sa mâchoire proéminente pourvue d’une galerie de dents qui devait coiffer la tête de l’acteur sans qu’il ne soit dissocié de l’ensemble et une grosse queue assez lourde pour être crédible sans l’être trop pour ne pas déséquilibre l’ensemble.

La réalisation de ce costume fut une prouesse digne d’une costumière de théâtre.

Enfin, un soin particulier a été apporté aux personnages royaux (Ranacula et la reine) qui ont été dotés de costumes de très belles factures agrémentés d’une cape réalisée dans un autre tissu que leur vêtement tout en étant de ton assorti.

e/ La peinture sur soie :

L’équipe : France P, Denise B, Yvette T,

Discipline difficile à montrer dans le cadre d’un spectacle d’expression, nous avons imaginé  un personnage entièrement conçu avec de la soie :

Ce sera la luciole, messagère ailée dans l’histoire, qui sera marionnette de soie manipulée de l’extérieur de la scène. En effet ce personnage discret qui n’a qu’une seule réplique mais qui dans l’histoire revêt un caractère symbolique pouvait ne pas être personnifiée.

Il en fut donc ainsi et les participantes à l’atelier ont confectionné une bestiole de 80 centimètres, à la couleur jaune tirant ses reflets de l’éclairage particulier a assuré le rôle de la luciole initialement porté par une danseuse solo.

f/ L’atelier informatique

Roger.S

Il fût également mis à contribution dans le prologue pour réaliser un diaporama sur l’ordinateur qui servait de support pour engager la pièce de théâtre.

2/Le collectif des parents

Quant au travail collectif sur le costume des grenouilles, outre le vêtement proprement  dit, les mamans ont participé de manière collective à la recherche de l’accessoire finissant le costume.

Elles ont opté pour un maquillage précis de toutes les grenouilles qu’elles ont pris en charge au moment des répétitions et du spectacle, en toute autonomie.

Enfin un des parents, en plus de se joindre aux percussionnistes dans le spectacle,  a réussi  la transformation d’un disque vinyl en cd pour l’ensemble de la bande son ce qui n’est pas facilement réalisable aujourd’hui et qui nous a bien aidé.

Ce fût pour la plupart la clé d’entrée au projet, ne participant à aucun des ateliers de la maison de quartier.

Au-delà de l’accompagnement habituel de leurs enfants sur un spectacle, les parents ont été les personnes essentielles à la réalisation, se portant volontaires pour organiser les coulisses et faire le lien entre la scène et les coulisses : clé du succès de l’ensemble.

 3/ L’équipe professionnelle de l’aadiqno

a/ Le centre de loisirs du Bricojeux

Le but étant d’associer les enfants au projet par une activité créatrice, il revient à l’équipe d’animation d’organiser un atelier arts plastiques pour réaliser l’affiche qui servira à la présentation du spectacle de la « grenouille bleue ».

Une animatrice, étudiant en beaux arts a pris en charge le pilotage de cette action.

Première séance : Présentation de l’histoire aux enfants

Deuxième séance : Les enfants s’emparent d’un personnage de leur choix et réalise un dessin selon leur représentation du personnage.

Troisième séance : Une affiche commune est élaborée mettant en scène l’ensemble des personnages selon le choix des enfants.

Enfin la maquette de cette œuvre commune est dupliquée pour éditer l’affiche qui annoncera le spectacle et sera également la première page du dossier de l’assemblée générale distribuée à l’ensemble des participants.

Trois enfants du centre participeront également au spectacle par le biais d’un atelier percussions organisé en stage pendant les vacances scolaires : un des animateurs ayant une formation des structures Bachet.(1)

b/ Le secteur jeunesse

Ce secteur avait deux missions à l’intérieur du projet :

  • Assurer la régie technique avec des jeunes volontaires sur le projet.
  • Mettre en œuvre une chorégraphie hip hop au sein du spectacle.

Nous avions prévu un stage technique de trois journées avec un prestataire son et lumière pour apporter les connaissances suffisantes à l’encadrement technique du spectacle.

Faute d’inscription, le projet n’a pas abouti et seul un jeune a participé étroitement à la régie technique le jour de la présentation.

(1) Les structures sonores BASCHET ont été conçues pour l’éveil de l’enfant au monde des sons. Ce sont des instruments  utilisant un principe acoustique simple : la mise en vibration du métal, provoquée par percussion, frottement, grattement,  des tiges de verre reliées à des masses métalliques.

Par contre l’animateur jeunesse, danseur de hip hop a encadré dès le mois de février,  un groupe d’une quinzaine de jeunes issus de quartier qui ont réalisé la danse des spectres.

Ils ont également participé à l’élaboration de leurs costumes ce qui a été l’occasion de croiser les générations de manière étroite, l’atelier broderie étant fréquenté par une majorité de femmes retraitées.

2 : L’assemblée générale, visée opératoire du projet global

Prévue fin avril comme chaque année, l’assemblée générale est toujours un moment fort dans la vie d’une association. Elle montre la force de l’association par l’adhésion de ses membres au projet global de l’association.

C’est stratégiquement durant cette assemblée que se donne à voir l’engagement des bénévoles.

Pour cette année, il a été important de montrer l’union de tous les membres après les difficultés liées au départ controversé de l’ancien directeur et d’une majorité d’administrateurs.

Cette soirée représentait donc un enjeu inhabituel face aux partenaires institutionnels : celui de montrer que les habitants avaient poursuivi le travail de réflexion et d’analyse nécessaire à l’élaboration du projet social par un projet collectif fort répondant aux besoins de l’ensemble des habitants du quartier.

Leur combativité reconnue dans l’histoire de l’association était démontrée dans une instance  officielle : c’est ainsi que la grenouille bleue est devenue le rapport d’activités de l’association pour 2003.

La grenouille bleue a contribué à la réappropriation de la maison de quartier et de son projet social par les adhérents et les usagers que je pourrais qualifier de fédératif.

La vie d’une maison de quartier dépend aussi de la communication interne entre les différentes instances statutaires que sont les bureaux, conseil d’administration et coordination de l’équipe professionnelle qui pendant la période concernée soit de mai 2002 à juin 2003 ont eu souvent dans leur ordre du jour à traiter de la mise en œuvre du projet de la « grenouille bleue ».

Un centre social répond à une multitude de besoins et le spectacle n’ait qu’une partie de l’activité globale de la maison de quartier.

Un rapport écrit des autres activités qu’avait réalisé la maison de quartier sur Forges était donné à chaque participant avec le programme de la soirée.

3 : Le prolongement de l’action

Bien que le but  de réaliser le spectacle sous le chapiteau n’ait pas été atteint, l’expérience a continué aux travers de deux actions toujours en accord avec les objectifs du projet social.

1/ Un spectacle aux anciens du foyer Boutelier

Dans la volonté de l’association de travailler de manière transversale et produire des activités intergénérationnelles, le spectacle a été monté au foyer Boutelier, résidence des personnes âgées sur le quartier.

Rencontre d’une journée où les enfants ont apporté à leurs aînés un moment de convivialité et de détente passant outre les réticences techniques d’un tel spectacle. En effet, pas de scène pour cette représentation, et un minimum de plateau technique, l’objectif étant créer de un lien entre les enfants et les résidents.

2/ Retour festif sur le quartier des Forges

Enfin, conscients que tous les habitants du quartier ne sont pas membres de l’Aadiqno, des éléments du spectacle ont été offerts durant la fête de quartier en juin aux habitants afin qu’ils jouissent également du travail de l’Aadiqno et des enfants et qu’ensemble ils partagent un moment de reconnaissance réciproque.

Car pour rappel, comme je l’ai exprimé plus haut, beaucoup des activités fonctionnaient avec des personnes issues d’autres quartiers et les activités du secteur jeunesse et famille n’étaient pas sous condition d’adhésion.

Une grande partie des habitants n’étaient donc pas membres de l’Aadiqno et de fait n’étaient pas présents à l’assemblée générale.

La reconnaissance dont je parle est bien de nature réciproque : ouvrir et montrer l’ouverture vers le quartier en inaugurant un nouveau système d’adhésion (la modification de l’adhésion a été votée en 2003) et une ouverture culturelle par des activités nouvelles notamment pour les enfants.

Permettre aux enfants et aux adultes investis dans le projet de montrer leur travail à leurs amis et voisins et pas seulement aux partenaires institutionnels et aux adhérents, minoritaires sur le quartier.

Mais sans qu’il le sache le rendez vous raté du chapiteau culturel allait être donné de nouveau aux enfants :  le quartier Jean Yole accueillait le chapiteau culturel au moment de mon retour sur la scène des quartiers.

IV/ DEUXIEME ACTE DU PROJET DE « LA GRENOUILLE BLEUE »

A/ Environnement social du quartier Jean Yole

Egalement situé en ZUS, je ne reviendrai pas sur les caractéristiques particulières aux populations habitant ces quartiers mais j’approfondirai sur la vulnérabilité de Jean Yole plus affirmée encore que sur Forges.

1 : Un quartier enclavé

Il se situe à 1km 500 du centre ville au nord ouest de La Roche sur Yon et il est délimité :

-Côté est par la voie rapide La Roche –Nantes, point limitrophe du quartier des Pyramides.

-Côté ouest par la voie ferrée reliant Nantes, point limitrophe du quartier des Forges.

-Au sud en direction du centre ville, par l’artère du boulevard d’Angleterre, point limitrophe du quartier pentagone.

-Au nord, deux zones plus vastes car elles jouxtent un territoire peu habité : les terres noires qui sont un lieu où est implanté un complexe sportif et la zone d’activités commerciales.

Dans son aspect urbanistique, ce quartier est divisé en trois grandes zones :

         – Au centre la cité Jean Yole, dominé par l’habitat collectif.

–  Au sud le quartier du sacré cœur, principalement organisé autour des « maisons de rue »

– Au nord, les terres noires caractérisé par un habitat pavillonnaire isolé par         deux axes routiers.

 Les différentes zones d’habitation sont séparées par les axes routiers ce qui fait de la cité Jean Yole un îlot d’habitat collectif dont le cœur est la maison de quartier et le groupe scolaire, accolé.(1)

(1) « Ce qui est caractéristique de la cité Jean Yole et de la Maison de quartier c’est son enclavement : au fond d’une impasse, dans une cité en forme de U, sérrée de bretelles, une île où les gens se connaissent bien, avec une forme de solidarité mais un manque complet d’ouverture » texte tiré du diagnostic social  PAR LE CABINET CIRESE pour la Mairie de La Roche sur Yon Février 2005 page1

Pour mieux comprendre le phénomène d’enclavement, la cour de récréation de l’école qui fait face aux HLM de la cité, est incluse dans l’espace de circulation et que pour des raisons liées aux fonctionnements de l’école, elle n’est accessible que par un petit portail régulièrement fermé.

Ce qui oblige les habitants à faire un large détour pour accéder au centre ville.

Il est à noter que la Mairie de La Roche sur Yon, dans le cadre de l’étude des ZUS définie par la loi Borloo, a fait appel à deux cabinets pour établir un diagnostic social et un diagnostic urbain sur la zone de Jean Yole.

De ce dernier ressort le constat qu’il ne peut s’établir de circulation dans la cité car les accès sont bloqués tout autour des bâtiments.

D’où une confusion et une difficulté de se repérer dans l’espace de la cité.

Il est arrivé fréquemment à des personnes de ne pas trouver la maison de quartier, accolée au groupe de scolaire.(1)

Bien que le territoire de l’ensemble du quartier présente d’autres caractéristiques urbanistiques, les habitants des  zones pavillonnaires ne sont pas intégrés aux actions d’animation de la maison de quartier Jean Yole dont le public est principalement issu de la cité.

2 : Jean Yole, une image dévalorisée

Ce quartier classé ZUS et ZEP est fortement marqué par la précarité de ses familles.

En effet : 13% des habitants bénéficient de l’aide alimentaire

              7% perçoivent le RMI

              8% sont allocataires de l’AAH

              32,7% des enfants scolarisés sont de familles monoparentales

              36% des personnes suivies par les assistantes sociales vivent seules.

Outre ces caractéristiques sociales marquées par la précarité, le public du quartier Jean Yole est en fragilité sociale particulière.

A notre connaissance, sur 140 personnes fréquentant régulièrement la maison de quartier, 34 d’entre elles ont eu à un moment de leur vie besoin d’un accompagnement psychiatrique.(19 hommes et 15 femmes). Nous recensons parmi elles : 23 Personnes de moins de 50 ans et 11 personnes de plus de 50 ans.

La majorité d’entre elle se trouvent être sous tutelle.

Les pathologies ne nous sont pas connues mais les origines de la fragilité relèvent des accidents de la vie qui ne se sont pas soldés par des retours à la vie normale.

(1) Pour l’anecdote la personne intervenant à la coordination locale chargée de l’étude du quartier dans le cadre de l’aménagement urbain quittant la réunion s’est perdu et est venu me trouver pour que je lui retrouve l’endroit où était garée sa voiture.

Malgré les efforts de l’équipe de la maison de quartier pour promouvoir la mixité sociale avec l’ensemble des habitants de quartier , il n’en est pas moins vrai que la maison de quartier revêt une image dévalorisée du fait de ces deux publics en grande difficulté sociale.

Ainsi, lorsqu’on interroge les personnes lors de notre diagnostic social, il nous est dit que le frein à leur participation aux activités de la maison de quartier reste que celle-ci est perçue comme un équipement surinvesti par des personnes en difficulté .

3 : Le projet santé, spécifique à Jean Yole

C’est en réponse à ce constat que l’équipe de la maison de quartier s’est lancé dans un projet baptisé « projet santé » en collaboration avec la mission santé de la ville.

Le diagnostic a montré la nécessité d’une réflexion et d’une concertation commune pour améliorer l’accueil, l’accompagnement des personnes en souffrance sur le quartier.

Ce travail de construction commune devrait donc rassembler les acteurs professionnels associatifs ou des différents services d’Etat et de la collectivité en lien avec cette problématique spécifique au territoire de Jean Yole.

Cette dynamique prend la forme d’instances de travail :

 1/Un comité de pilotage qui a un rôle de portage et soutien institutionnel et politique qui devra définir les objectifs fixés pour le projet, d’en valider la démarche, de trouver les financements nécessaires et de produire l’évaluation.

 2/Le groupe technique qui a un rôle de terrain, instance d’où émergent les propositions, de réalisation des actions dans le cadre des orientations du comité de pilotage.

La mise en place du projet santé démontre la grande souffrance sociale de ce quartier.

Le projet de la grenouille bleue aura à se réaliser dans un cadre particulier de souffrance sociale.                   

4 : Une forte présence d’associations à but social

Le quartier Jean Yole bénéficie comme chaque quartier des services sociaux nécessaires à l’exercice des droits des usagers :

         – Une assistante sociale du conseil général,

       – une conseillère en économie sociale et familiale de la CAF,

       – un éducateur de Prévention de la ville

         – Deux agents de médiation du service de la ville délégué aux quartiers.

Aujourd’hui nous constatons que l’ensemble de ces services qui géraient des permanences directes sur le centre d’animation Jean Yole ont subi une restructuration importante de leur organisation tant dans leur mission que dans la répartition de leur territoire d’intervention.

Ainsi la conseillère en économie sociale et familiale doit étendre son secteur sur les communes environnantes de la grande couronne yonnaise ainsi qu’une permanence sur la crèche « la ronde » sur le quartier des Pyramides. Ainsi elle n’assure plus d’activité directe sur la maison de quartier excepté sa participation sur le groupe technique santé.

Il en est de même pour l’éducateur de prévention qui n’est plus affilié seul à un territoire. Les trois éducateurs  se sont  regroupés sur l’ensemble du  territoire nord ouest. Ne reste qu’une permanence hebdomadaire sur le centre d’animation, le choix des interventions se fait en fonction de l’observation des sites prioritaires par l’ensemble de l’équipe. Une coordination des animateurs jeunesses et des éducateurs étant prévue pour réguler les interventions.

Seuls les agents de médiations,  n’ont pas modifié leur organisation déambulatoire sur la quartier, ils passent régulièrement pour se tenir informés du climat du quartier et sont présents sur les temps d’animation globale comme les barbecues de l’été ou les tables ouvertes, temps de partage de repas solidaires.

A cela s’ajoute des organismes associatifs à utilité sociale, particulièrement nombreux sur le quartier, et avec qui la maison de quartier entretient un partenariat permanent :

– L’association OVISNO, du Centre médico psychologique Emile Faguet.

– Le GIPIL, spécialiste de l’insertion par le logement

– Le foyer d’accueil La Fontaine

       – L’atelier des Bazinières.

         – Le CAT des terres noires

– Graine d’idée, association d’insertion par le travail partenaire de la Maison de quartier sur  la table ouverte.

– La passerelle, structure d’accueil des primo-arrivants.

– La médiation de proximité, association de médiation de voisinage.

– La clé, association d’accompagnement aux actes de la vie administrative qui tient une permanence à la maison de quartier.

Ces organismes nous sollicitent par l’intermédiaire de leurs différents services pour adhérer à notre structure dans un but d’insertion sociale au bénéfice de leurs usagers.

En effet, l’objectif recherché est bien que leurs usagers en difficulté d’intégration puissent vivre des activités dans un milieu ouvert afin de leur donner des repères favorisant par la suite des démarches personnelles, pour une gestion autonome de leur vie quotidienne.

Le maillage des dispositifs sociaux est donc garanti sur le quartier, preuve s’il en est des carences spécifiques   d’une partie de la  population du quartier Jean Yole, en plus des critères repérés habituellement pour la population habitant dans les ZUS.

B/ Jean yole et l’Acajy

1 : L’Acajy, une identité bafouée.

L’Acajy est né en 1987 et a occupé pendant longtemps des préfabriqués jusqu’à la construction récente  de la maison de quartier.

Initialement prévu comme annexe de la maison de quartier des Pyramides elle n’a jamais pu se départir d’une certaine vassalité de sa puissante voisine.

En effet, structurée comme une organisation pleine et entière, beaucoup de projets ont été mis en œuvre à l’initiative de la maison de quartier des Pyramides.

Et malgré une indépendance territoriale et juridique acquise, le fantasme d’être annexé par le quartier voisin suscite encore des angoisses de l’acajy.

De plus, les locaux de  la maison de quartier sont une extension du groupe primaire et maternel de Jean Yole, qui doivent gérer en commun le sas d’entrée de l’école, la cour intérieure et une salle d’activités. Ce qui aggrave encore l’impression de ne pas exister par ses propres ressources et de devoir partager un territoire.

L’Acajy,  est donc né d’une double aliénation : territoriale et de projet ce qui lui a conféré une identité menacée et dépendante pendant longtemps.

2 : Une faiblesse de sa représentation associative

Bien que l’histoire de l’Acajy ait bénéficié de fortes volontés  parmi ses présidents qui ont tenu l’association à bout de bras et qui ont fait preuve de pugnacité dans certains de leurs combats, l’association et les administrateurs ne sont que peu  relayée par les habitants en état de fragilité sociale permanente. L’Acajy n’a pas eu la force collective nécessaire pour défendre ses projets.

Etant représentée, au même titre que les autres associations de quartier, au sein de l’Acyaq, sa voix, par manque de crédibilité en terme de représentation sociale, on pourrait dire représentante « des sans noms », n’a pas porté.

Elle a alors souvent adopté des attitudes fatalistes et sans résistance lors des débats, se sentant vaincue par avance, où il aurait fallu qu’elle soit portée par une vitalité combative.

Cela provoqua plusieurs fois la démission de ses présidents aggravant la fragilité de la cohésion de l’équipe associative.

Il en a résulté des situations conflictuelles fatales qui ont conduit plusieurs présidents à la démission.

Le dernier ayant démissionné au mois d’août 2004 et personne ne voulant reprendre la présidence, l’association a opté, sous le couvert d’institutions partenaires,  pour une gestion collective incertaine.

Face à la complexité actuelle de la gestion des associations agrées en centre sociaux et respectant le droit à l’ouverture de la représentation de ses habitants à la fonction associative, l’Acajy doit renouveller ses forces vives au sein d’une population en précarité et en fragilité, souvent  préoccupée à survivre elle-même.

3 : Perte symbolique du projet enfance

Le transfert du Centre de Loisirs hors de la cité  catalysa les problèmes identitaires que traversaient  l’association :

– la fermeture du centre de loisirs primaire et maternel retirait un service de proximité aux habitants du quartier.

– Il était transféré sur le quartier des Pyramides, géré par la maison de quartier du même nom.

– Le poste de l’animateur enfance fut diminué à 50%, l’autre mi-temps étant alloué sur le nouveau centre de loisirs sous l’autorité du directeur de la maison de quartier des Pyramides.

Cela provoqua la démission de la Présidente de l’époque et exacerba le sentiment d’abandon des habitants et de délitement des forces du quartier.

Il n’est pas de mon propos de juger du bien fondé de vouloir à toute fin garder le centre de loisirs, le nouveau étant d’une grande qualité d’accueil ayant pris place dans les locaux adaptés d’une ancienne école à une distance de 300 mètres de la cité.

En effet, quelque soit la légitimité de ce transfert, il fut  vécu par les habitants comme une injustice et déstabilisa durablement l’équipe associative d’autant qu’il se faisait sur le quartier Pyramides.

L’arrêt des activités du centre fut subi et il manqua   la militance et   la conviction nécessaires  pour garder l’espace d’animation et d’en revitaliser le projet.

Il en fût de même pour la négociation de  la place de l’Acajy dans le nouveau projet (comme par exemple garder le poste de directeur pédagogique sous la tutelle de Jean Yole ).

La perte du centre de loisirs sonna le glas des activités enfance au sein de l’Acajy, d’autant que l’animateur référent sur la famille après avoir tenté de fonctionner sur les deux structures pendant 2 ans a donné sa démission en juin 2005, nouvelle perte pour le quartier Jean Yole.

C/ L’ACAJY, revitalisation d’un quartier

1 : Ré-initialiser des animations enfance sur la maison de quartier

Ayant perdu les activités du centre de loisirs, il ne reste aucune activité enfance si ce n’est le mini-club ouvert aux enfants à partir de 10 ans sur la maison de quartier.

La tentative d’une création de bibliothèque de proximité par deux bénévoles n’a pas pu se maintenir.

Parallèlement, la mise en place des activités à dominantes culturelles pour les adultes sur l’année 2004 n’a pas eu de succès puisque les cours de dessin et de peinture sur soie n’ont conquis durablement que deux personnes.

Le déficit du désir culturel est donc très fort sur le quartier et nous pensons qu’ouvrir des ateliers réguliers en faveur des enfants, plus facilement disponibles, pourraient amorcer un rapprochement vers des pratiques culturelles.

Je ne reviendrais pas sur le bien fondé des objectifs liés à l’éveil culturel chez les enfants développés à la page 36 de ce document.

2 : Travailler sur les ressources des habitants et des associations de quartier et en permettre l’expression.

La notion de handicap est à mon sens une réalité sur le quartier Jean Yole.

 Bien que sur cette cité, comme nous l’avons vu précédemment une partie des usagers soient concernés par l’handicap mental  puisque inscrits dans des parcours de soins liées à des maladies psychiques, la notion d’handicap social est à retenir comme vecteur commun à beaucoup d’habitants de Jean Yole qui cumulent des difficultés d’ordre économique, culturel et social.

Face à un diagnostic aussi fort en matière de dévalorisation du quartier et des habitants, il m’apparaît essentiel de fonder l’essentiel du projet au travail de reconnaissance des savoirs et potentiels des personnes du quartier.

« La définition du handicap proposée par l’OMS, exprimant la réalité en termes de manque, de désavantage ( » déficience « ,  » incapacité « ,  » handicap « ), constitue à nos yeux, une approche négative de la personne. Pourquoi ne pas parler de ce qui reste : de l’efficience, de capacités, de compétences ? C’est, en effet, en repartant des potentialités restantes de la personne et de ses possibilités de performances que les déficiences, les incapacités et les handicaps (ou désavantages) pourront être mieux assumés et dépassés. »(1)

3 : Traduire la force d’un quartier dans un évènement à l’échelle de la ville.

L’occasion de l’installation du chapiteau des Arts nomades sur le quartier Jean Yole est un atout qu’il nous est donné de prendre pour montrer que malgré une image fortement dévalorisée, certains habitants et certaines associations présentes sur Jean Yole ont un potentiel de compétences, de savoir faire à exploiter dans le cadre d’un projet collectif.

La grenouille bleue n’est qu’une petite partie du projet inclus dans un vaste programme d’animation culturelle.

Le projet du chapiteau des arts nomades se déroule en effet sur une semaine d’animation ayant comme particularité d’introduire une rencontre entre la culture professionnelle et les pratiques amateurs.

(1) Cité par M.Mercier Bulletin d’Education du Patient de la communication et de la relation Volume 17, N° 1, Avril 1998

Ce sera une occasion de rendre hommage à l’ensemble des habitants dans un évènement festif et culturel à l’échelle de la ville. Sachant que la programmation de la semaine s’organise aussi en parallèle par une concertation collective de ses habitants au sein du comité de pilotage du chapiteau des Arts nomades en collaboration avec des partenaires des services culturels de la ville comme par exemple le directeur du festival du film.

L’enjeu est donc important pour le quartier d’autant qu’il précèdera la semaine pluriculturelle en lien avec la semaine de la solidarité internationale de La Roche sur Yon.

D / Le montage du spectacle

              1 : Le relais d’animation pédagogique Acajy

Le groupe de pilotage de la grenouille bleue :

Quand les premières séances de travail en danse et théâtre ont débuté nous avons mis en place une réunion d’information sur le projet, regroupant les personnes intéressées au projet.

Le premier groupe de pilotage était composé de la coordonnatrice du chapiteau du service culturel de la ville, d’une représentante de l’association RochRock’nroll, de cinq habitants, de deux enfants acteurs dont une mère  du quartier des forges et de moi-même.

 Après la présentation globale du projet du chapiteau et de la grenouille bleue, chaque personne a pu s’exprimer sur ses motivations et le domaine dans lequel il avait envie de s’investir. Un premier partage des objectifs est né.

Il est à noter que pour des raisons liées au respect du calendrier DEFA, j’ai réintégré ma fonction de direction à Jean Yole simultanément au dépôt de mon projet d’expérience d’animation. Cela explique que le premier  comité de pilotage fût restreint puisque   je n’avais  établi que peu de contacts avec les usagers du centre et les habitants.

Les ateliers danse et théâtre :

Comme pour Forges, j’ai mis en  place un atelier danse pour enfant de 3 à 6 ans et un atelier théâtre pour enfant de 8 à 12 ans sur le centre social avec l’objectif de pérenniser une activité culturelle sur le quartier au-delà du projet.

Les séances fonctionnent à un rythme hebdomadaire.

Malgré un coût très peu élevé et un tract d’information dans les écoles primaires et maternelles de Jean Yole, cela n’a pas suffi à faire adhérer un grand nombre d’enfant à l’atelier danse.(1)

Nous avons alors investi le point café (temps d’échange avec les parents tous les vendredis matins) afin de rallier davantage d’enfants.

Nous nous heurtons à une « passivité » de désir culturel qui se caractérise fortement sur la cité, constat partagé avec Mr Catroux, directeur de l’école Jean Yole

Ce sont donc avec quatre enfants que nous commençons l’atelier, espérant accueillir d’autres enfants plus tard.

C’est le projet de la grenouille bleue qui porte l’atelier, les parents des enfants concernés étant  beaucoup investis dans le centre.

En ce qui concerne l’atelier théâtre, partant d’un désir de promouvoir les acteurs du spectacle des Forges dans la programmation du chapiteau culturel, il a été tout d’abord  ouvert aux acteurs du premier spectacle.

A l’issue de ce premier contact, trois enfants ont désiré poursuivre l’aventure et trois enfants de Jean Yole ont rallié la troupe d’acteurs.

Après un premier travail (se reporter au travail de présentation du conte page 15) nous avons pendant 3 mois travaillé indifféremment les personnages puis distribué définitivement les rôles.

Le groupe s’est scindé autour des deux rôles principaux tenus par un enfant de chacun des quartiers.

Depuis le premier spectacle l’histoire a évolué. En effet, connaissant le conte, certains des enfants ont cherché à donner à  l’histoire davantage de crédibilité. En effet à l’origine, le dénouement se faisait grâce à l’intervention magique de la reine.

Dans cette version, nous nous sommes attachés à imaginer une histoire qui aurait pu être plausible. Je m’explique ce désir par le fait que les enfants ont grandi et aspire davantage à coller à la réalité.

Cela apporte une cohésion au groupe qui redémarre une nouvelle histoire ensemble.

(1) Il est à noter que le cours de danse africaine porté par l’association œil de cauris présent sur le quartier depuis trois ans n’a que quatre inscrits

2 : Les ressources individuelles du public de Jean Yole

Après avoir parlé du projet aux personnes fréquentant l’accueil de la maison de quartier, nous avons attendu quelques semaines que le réseau d’information fonctionne entre les personnes du quartier.

Dans le même temps j’ai investi des temps sur lesquels se retrouvent les personnes seules et pour certaines d’entre elles en difficulté d’insertion dans les groupes pour des raisons de fragilité psychosociales afin de leur expliquer la place qu’elles pourraient prendre dans notre projet.

Michelle, une jeune femme vivant dans un quotidien de solitude et marquée par vingt années de thérapies a accepté de rejoindre le groupe  lors de la première  réunion de concertation.

C’est par le biais des ateliers d’expression  vécus auparavant qu’un  lien avec le projet a pu se faire.

Comme beaucoup de personnes ayant eu des expériences de thérapies psychologiques, Michelle a bénéficié de séances d’activités créatrices notamment d’arts plastiques.

M’ayant précisé qu’elle n’était pas en capacité de création mais d’exécution sous le couvert d’une personne l’encadrant, elle a accepté d’aider à  la confection du décor servant le projet théâtre.

Leila, une jeune artiste autodidacte du quartier qui a vécu des expériences traumatisantes l’ayant également conduit à fréquenter le centre médico psychologique dans un proche passé a des relations de confiance avec la maison de quartier.

En effet, dans le cadre du soutien à la création qu’organise la maison de quartier Leila avait exposé ses tableaux dans nos locaux.

Après l’avoir rencontré pour lui exposer notre projet, elle s’est engagée à encadrer la création de la toile de fond du décor. Elle a donc rejoint le groupe de pilotage.

Contrairement à Michelle, Leila a adopté une posture d’artiste voulant comprendre le sens de notre démarche afin que sa création participe pleinement au projet collectif.

Je lui ai confié le texte en précisant bien que ce n’était qu’un guide pour elle et que la pertinence voulait garantir la liberté d’expression de chacun.

Marthe est aussi une artiste autodidacte en peinture et ayant des compétences professionnelles de confection a été sollicitée pour la création de costumes mais aussi pour ses talents de peintre en appui du groupe décor. Son parcours associatif très riche, haïtienne d’origine, elle agit depuis longtemps au sein du quartier en soutenant des actions collectives faisant reconnaître sa culture par ses tableaux et l’art culinaire d’Haïti entre autre.

Johnattan, a participé à l’animation du club jeune depuis son adolescence et connaît bien Jean Yole. Ses activités l’avaient éloigné de son quartier où il n’était plus qu’un « résident de nuit » comme il le dit lui-même.

Après l’avoir rencontré de manière fortuite sur un temps convivial, il m’a parlé de ses activités théâtrales et de ses compétences liées à la régie technique.

Je lui ai donc tout naturellement proposé d’être le référent technique du spectacle, ce qu’il a accepté, argumentant qu’il était heureux de réinvestir de nouveau son quartier.

3 : La collaboration associative acajy

1/L’association Roch Rock’nroll :

L’association RochRock’nroll, a son siège social à l’Acajy et bénéficie de deux créneaux pour organiser des séances de danse de salon aux habitants.

Nous savons que peu des personnes du quartier participent aux activités de l’association mais qu’elle représente une ouverture sur les autres quartiers.

Qu’en cela elle favorise la mixité sociale dont a besoin l’Acajy pour développer l’image d’une maison active au profit de l’ensemble des habitants du quartier.

Interpellée en tant qu’association adhérente de l’Acajy sur l’opportunité de sa présence sur le projet, la directrice de l’association s’est  engagée sur le principe d’offrir ses compétences dans la mise en scène du spectacle et d’être présente dans l’élaboration du projet en assistant au groupe de pilotage.

A l’image de l’atelier danse de Forges, c’est un groupe très autonome et très organisé, coutumier des démonstrations et en cela qui ne demande pas une préparation longue et délicate.

 Il s’agit davantage d’une mise au point scénique et de calendrier.

Par ailleurs, la directrice de l’association, connaît les objectifs du projet social et a elle-même une sensibilité et une compétence sociale, son poste  était animatrice d’insertion professionnelle avant d’être directrice de l’association de danse.

2/ L’association œil de Cauris.

Spécialisée dans les arts africains, cette association propose des cours de percussions.

Nous travaillons donc un intermède musical avec les élèves de l’atelier percussions qui s’intègrera dans la scène du crocodile.

3/L’association Aadiqno

Nous avons pris contact avec des jeunes du quartier Jean Yole pour assurer un des espaces de création (la scène des fantômes).

Ils ont travaillé pendant les vacances de pâques sous la direction d’Alice, une jeune fille qui désirait s’investir dans le centre afin de préparer son entrée en Beatep.

Malheureusement, Alice n’a pas pu continuer la route avec nous étant appelée à un autre avenir.

Nous avons alors pris contact avec Xavier l’animateur jeunesse du quartier des Forges qui avait présenté avec nous le premier spectacle.

Nous sommes donc en préparation pour qu’il reprenne le groupe initial de hip hop pour présenter la chorégraphie des fantômes.

4/ L’association des petits débrouillards.

C’est une association spécialisée dans les activités à caractère scientifique.

Des relations privilégiées avec les petits débrouillards, qui ont leur antenne dans nos locaux, ont permis d’avancer très vite la collaboration à venir dans le projet.

En effet, l’Acajy et les petits débrouillards ont un développé un  partenariat élaboré autour d’ateliers parents- enfants depuis de nombreux mois.

Après la présentation du projet, l’animateur a proposé d’intervenir pendant l’entracte par le biais d’une expérience sur la lumière.

Malgré la démission en mai 2005 de l’animateur référent, la participation des petits débrouillards sur la grenouille bleue n’a pas été remise en cause par l’animateur reprenant le poste.

La préparation  a donc  été  interrompue le temps de la prise de fonction de Damien le nouvel animateur à qui j’ai donné les éléments du dossier pour qu’il comprenne le projet.

Il m’exposa en  retour son désir de travailler sur la fluorescence. Après quelques expérimentations qu’il fit avec certains jeunes du quartier, il recomposa une mixture fluorescente.

L’idée d’intégrer la potion magique dans le conte amena le groupe d’acteurs à retravailler une scène avec l’animateur des petits débrouillards qui deviendrait le mage Merlingo dans l’histoire du conte et nous fournirait la dose magique nécessaire au retour du héros dans la réalité.

Notre collaboration s’est donc  étayée par l’écriture d’une nouvelle scène avec les acteurs.

3/L’association OVISNO :

Au préalable, je préviens le lecteur que ce paragraphe  est traité de manière plus détaillée afin de bien dérouler les interférences d’acteurs agissant dans un système, qui sont nécessaires à la compréhension de mes conclusions.

L’OVISNO est une association gérée par le centre médico-psychologique Emile Faguet à La Roche sur Yon qui est association adhérente de l’Acajy dans le cadre d’ateliers thérapeutiques ouverts.

C’est à l’issue d’un de ces ateliers d’Art floral, que j’engage le dialogue avec l’animatrice soignante sur le désir de monter un travail collectif autour d’un conte par le centre social Jean Yole et d’espérer une collaboration  avec l’ovisno.

C’est un contact prometteur puisque, l’animatrice soignante me dit être en recherche de nouveaux supports d’animation, l’atelier floral s’essoufflant auprès des participants. L’Art floral ayant fonctionné pendant 10 ans.

Je présente succinctement l’histoire et le cadre du projet.

L’idée est retenue d’aller plus en avant et de retenir une date pour une rencontre avec la direction du CMP.

La première rencontre institutionnelle est fixée entre la chef de service du CHP, faisant partie par ailleurs du groupe de pilotage du projet santé de Jean Yole, accompagnée des deux animatrices soignantes du CMP et moi.

Le désir d’arrêter l’art floral et de prendre un autre support pédagogique est confirmé, sans que ce support soit défini.

Suit la présentation générale du projet de la grenouille bleue et une explication sur les espaces d’expression autonomes qui ponctuent la pièce et que pourraient investir les usagers de l’Ovisno.

Mme M accepte d’engager la participation des ateliers thérapeutiques non sans émettre la satisfaction de  collaborer sur un projet dont les objectifs sont concrets.

Je m’engage à mon tour à être un soutien technique (théâtre,danse) si l’ovisno en fait la demande et laisse à l’équipe le texte général de la pièce afin que les animatrices réfléchissent à l’implication de l’ovisno dans le spectacle.

C’est au cours de notre troisième rencontre que nous tentons  de définir la place de l’ovisno dans le spectacle.

La réunion se déroule entre les deux animatrices soignantes des ateliers et moi, sous ma casquette de pilote du projet et metteur en scène.

Cette rencontre est essentielle car le débat ne porte pas sur le fait de participer à un projet global mais bien de définir la place de chacun dans le projet, la production effective dans le spectacle en tenant compte de nos préoccupations respectives.

Nous posons ensemble des préalables évidents mais qu’il est toujours bon de rappeler pour rassurer l’autre :

– Ne pas mettre en danger les personnes qui vont s’exprimer, c’est déjà le cas dans tout exercice de scène, ça l’est davantage quand on s’adresse à un public en difficulté psychologique.

– Ne pas poser un échéancier difficile à honorer compte tenu de la difficulté de ce public de se projeter dans une action.

Le support d’animation théâtre n’est pas retenu parce que les animatrices ont vérifié auprès des usagers qu’ils souhaitaient mettre en place de l’informatique et du dessin.

Une des animatrices émet une réserve d’importance sans être suivie par sa collègue sur ce point : Travailler sur un conte pour enfant pourrait être perçu comme infantilisant au regard d’un public déjà en difficulté d’accès à l’autonomie.

Un débat s’ensuit entre nous. L’idée que le conte source d’imaginaire peut évacuer certaines tensions avec une mise à distance de la réalité nous accorde.

J’argumente sur le fait que les rôles des personnages du conte sont joués par des enfants et que les adultes n’interviennent que dans les intermèdes comme les autres personnes des différentes associations partenaires.

 Nous  poursuivons sereinement la réunion devant cerner plus concrètement   la définition  de notre collaboration.

Respectant le désir de faire pratiquer l’informatique, une des animatrices propose de faire un sommaire du spectacle par le biais d’un diaporama.

J’explique alors la difficulté à annoncer le spectacle sans en dévoiler la teneur surtout dans le contexte d’un conte où l’effet de surprise doit exister.

Mais qu’on peut imaginer un diaporama qui fait arrêt sur image à la fin de l’histoire, expliquant le pourquoi du nœud de l’intrigue avec une sorte de remontée dans le temps.

Laissant l’initiative au partenaire ovisno ( mais restant en soutien si elles le souhaitent ) d’écrire l’histoire avant l’histoire avec le support de leur choix : photo, dessin etc…

J’indique qu’il n’y a pas d’obligation de résultat, la pièce pouvant fonctionner en autonomie, les raccords des partenaires ne remettent pas en question la cohérence et le déroulement de l’histoire.

Malgré ces entretiens, la collaboration avec l’Ovisno stagne.

Cela s’explique me dit-on à cause d’un arrêt  maladie d’une des animatrices.

Quand elle raccroche au projet en mai 2005, il est convenu qu’avec le retard dans la préparation, il serait plus prudent d’impliquer les personnes sur une chanson qu’ils chanteraient à la fin du spectacle.

Je réitère mes propos sur l’accueil de toute initiative dans le spectacle et nous convenons donc que l’ovisno serait porteur d’une chanson contant les déboires de la reine, à la fin du spectacle.

Sans aucun autre contact avec les animatrices concernées par le projet, la directrice de l’Ovisno, m’informe ,au cours d’une réunion sur le projet santé, du retrait définitif du projet à cause du blocage d’une des animatrices sur le fait de participer à un conte donc à une production enfantine.

Elle convient que cette réticence n’a pas lieu d’être et que l’animatrice se cantonne dans un rôle maternant d’assistance et non d’accompagnement vers des activités d’expression autonome. Mais que le projet ne peut se faire sans l’animatrice d’où le retrait de l’ovisno du projet.

Nous remettons à plus tard une collaboration au travers d’autres ateliers.

Au -delà de la déception de ne pas pouvoir faire participer des personnes déjà exclues par leur maladie à un projet basé sur l’expression, ce retrait m’a permis de m’interroger sur les raisons de l’échec de notre collaboration avec les personnels encadrant les ateliers thérapeutiques.

Bien que connaissant les problèmes rencontrés dans la collaboration d’acteurs issus d’autres milieux professionnels revendiquant des codes, des langages et des orientations spécifiques à leurs champs (on dirait culture d’entreprise s’il s’agissait du monde de l’entreprise) j’avais l’intuition que ce qui s’était passé pour l’échec de l’investissement de l’Ovisno sur la grenouille bleue procédait d’un phénomène liée à la culture spécifique du soin.

Il se trouve qu’ayant assisté au colloque sur les pratiques d’art thérapie peu de temps avant dans le cadre de mes 80 heures de formation j’ai pu vérifier mon intuition.

L’existence du pouvoir de certains personnels soignants sur les personnes dont elles ont la charge, qui projettent leur propre représentation sur l’objet d’expression et de créativité.

« Il faut  être vigilant en temps que travailleurs sociaux à ne pas avoir d’attitude maternante, figée dans l’hyperprotection et ne  pas provoquer de confusion dans l’espace désir/aliénation, captation de sa propre projection » (1)

L’activité créatrice chez les personnes disqualifiées  est une des réponses pour que  les cadres accompagnant changent leurs représentations de l’handicap.

Les travaux réalisés dans le cadre du CREAHM (Créativité et Handicap Mental), montrent des possibilités de modifier la communication avec la personne handicapée à travers la créativité et l’art. En effet, l’animateur qui produit une œuvre artistique avec la personne handicapée et le public qui voit cette œuvre considèrent la personne déficiente comme un sujet à part entière qui réalise quelque chose de beau. Ils sont donc dans un agir émancipatoire (2)

Cet incident  m’a aussi permis de m’interroger sur les mécanismes à l’œuvre dans le succès ou l’échec d’actions sur les quartiers.

(1)phrase citée au cours du colloque «création,expression ou thérapie : quel cadre j’habite » lors de l’ Intervention du docteur J.Brousta, psychiatre et psychanalyste, écrivain, Président de l’Association appel d’air.

(1). « L’accompagnement, générateur d’équilibre personnel et de reconnaissance sociale »M. Mercier, G.Carlier. Bulletin d’Education du Patientde la communication et de la relation Volume 17, N° 1, Avril 1998

V / SOURCE CONCEPTUELLE DE LA GRENOUILLE BLEUE

Avec le recul de tous ces mois de recherche et de réflexion pour comprendre les mécanismes des problématiques qui traversent mon expérience d’animation, je poursuis mes questionnements :

Comment ce projet similaire (même spectacle, même  environnement social, même troupe sur scène (en partie)), ne m’a posé  de problèmes particuliers hormis des ajustements organisationnels sur un quartier et si complexe et avec un cheminement si laborieux sur l’autre ?

A/ Le cheminement vers les concepts

1 : Eclairage sur l’évolution de ma démarche

Le démarrage de mon expérience d’animation s’est posé dans le cadre du renouvellement du  projet social de l’association  défini par les règles instituées que j’avais déjà expérimentées.

Mon travail sur le quartier des Forges a été mené dans une logique de projet basé sur un diagnostic et des propositions d’actions répondant aux problématiques du quartier et de ses habitants.

La mise en œuvre du spectacle accompagnait l’évolution du projet social porté par l’équipe associative et professionnelle et a abouti à un travail collectif répondant aux objectifs fixés.

J’ai pu pendant toute la durée de l’expérience m’appuyer sur l’association et ses membres structurés autour d’une organisation collective forte.

J’emploierai la métaphore d’un chantier où chaque membre de l’équipe était en charge de mener sa tâche pour la construction finale.

Quand j’ai ré-initié le projet sur le quartier de Jean Yole la question de la déficience d’une équipe associative forte autour du projet s’est imposée.

Tout était à reconstruire.

L’évolution du projet  était tributaire non pas d’un engagement collectif assumé mais d’un investissement personnalisé par les habitants, dans l’association ou hors de l’association.

Ma démarche s’est donc appuyée non pas sur des commissions et des référents institués dans un fonctionnement linéaire mais dans un premier temps sur les associations associées au projet de l’Acajy.

Partant du constat que les habitants et les usagers n’étaient pas organisés collectivement autour de l’Acajy je suis  allée à leur  rencontre.

Je me suis alors attachée à connaître les ressources et savoir faire qu’ils pourraient mettre au service du projet tout en leur apportant un bénéfice social.

Sachant par ailleurs la  grande fragilité sociale des habitants du quartier je savais qu’il était possible qu’ils n’aillent pas au bout du projet et que le spectacle gardait un caractère aléatoire.

2 : La complexité des éléments conceptuels traversés

C’est en écrivant mon mémoire sur un plan comparatif des deux quartiers que je me suis forgée une série d’interrogations.

Le bien fondé de faire le spectacle de « la grenouille bleue » sur un projet de quartier était une conviction acquise depuis le début de mon expérience. A cela il y avait deux raisons :

     1/ Mon expérience d’animatrice de théâtre et de danse m’avait amené à constater souvent l’enrichissement individuel que retirait les participants au travail de scène ainsi que la dynamique collective qui se dégageait dans un groupe porté par une expérience de spectacle.

     2/ L’expérience réussie de l’aventure des Forges était derrière moi  au moment où j’entamais mon expérience d’animation et j’ai pu vérifier que le support de la pièce collective avait un potentiel important dans le cadre d’un centre social.

L’idée de travailler sur le concept de médiation culturelle et de son utilité sociale a été posée en début de parcours.

Mon  départ en  formation méthodologie de projet m’a permis d’approfondir mes questionnements et surtout mon objet d’étude : la mise en place du projet sur Jean Yole, qui déjà me laissait entrevoir deux autres éléments majeurs : les notions d’estime de soi et  de reconnaissance sociale.

3 : La naissance d’une hypothèse à vérifier

C’est en gardant l’idée de comparer la mise en place des deux quartiers qu’est apparu un foisonnement d’interrogations.

Les notions de territoires, d’identité et de mémoire collective, de stigmatisation et d’aliénation, de représentations collectives et individuelles liées à l’image d’un quartier traversaient mon travail de recherche.

J’ai alors posé une hypothèse :

Alors que l’acte de création et d’expression peut être source de valorisation de l’image individuelle (l’habitant) ou collective (le quartier) facteur d’estime de soi et de reconnaissance sociale, la stigmatisation  collective ou individuelle devient  une force  ou un frein à la réalisation de ce projet.

Je fais l’hypothèse que la stigmatisation

– peut être un facteur de force collective si elle touche une représentation collective assumée, sans remettre en cause l’unicité du groupe et ses valeurs.

– Et qu’elle est facteur d’aliénation si elle touche l’individu sujet dans son  estime de soi représentant alors un frein à la socialisation à l’intérieur d’un groupe.

Comme je l’ai déjà souligné la démarche de la mise en œuvre du projet était différente sur les deux quartiers.

Il fallait donc chercher à approfondir la question de la différence.

En effet,  les critères évaluables (voire la classification ZUS)  sont globalement identiques ainsi que la typologie des quartiers.

Mais leur point commun est aussi que chacun des deux quartiers ont une mauvaise image sur la ville.

C’est sur cette dernière observation que j’ai pu étayer mon raisonnement grâce aux éléments apportés par Serge Paugam  lors de son enquête à propos de la disqualification sociale.

Serge Paugam a dégagé des éléments d’observation et de théorisation qui peuvent s’appliquer à ma recherche même s’il est admis que chaque quartier a sa spécificité liée à son histoire, il a mis en évidence le fait que  la disqualification sociale procède d’une construction sociale qui peut s’appliquer aux quartiers déshérités des cités.(1)

B/ L’étude des comportements des personnes disqualifiées selon Serge Paugham.

1 : Les limites posées à l’utilisation de l’enquête de Serge Paugam.

Tout d’abord il faut préciser que l’objet d’étude de Serge Paugam dans la disqualification sociale diffère, dans le but qu’il s’est assigné, de ma propre recherche.

En effet l’enquête est menée auprès des habitants d’une cité, stigmatisés par leur statut social à savoir les personnes ayant de manière occasionnelle ou permanente recours à l’aide sociale.

(1) « La disqualification sociale » Essai sur la nouvelle pauvreté. Serge Paugam. PUF 1991, p 172.

Il s’agit d’étudier, par le biais des fichiers et ressources des services sociaux d’une ville moyenne, les différences comportementales dans des expériences vécues qui amèneront l’auteur à distinguer trois catégories de population : les fragilisés, les assistés et les marginaux.

C’est donc un objet d’étude ciblé sur une catégorie précise des habitants d’une cité. Même s’il existe une similitude évidente dans les cas rapportés dans l’enquête sur ces populations avec ce qu’on peut observer sur Forges et Jean Yole, ma recherche est basée sur la population globale de ces deux quartiers.

Ce sont davantage les conclusions générales  que tire Serge Paugam sur le regard que porte une population stigmatisée sur elle-même et ce qu’elle est prête à assumer que j’ai utilisées.

2 : Un environnement et un diagnostic présentant des similitudes

Tout d’abord l’enquête de Serge Paugam porte sur une ville moyenne d’importance égale à La Roche sur Yon, sur un quartier d’origine modeste où vivent des populations reconnues en situation de précarité.

Partant de ce constat, il pose comme préalable que le terme de disqualification sociale renvoie à une logique de désignation et d’étiquetage qui a des effets sur le plan identitaire des personnes concernées.

Par extension, on peut défendre l’idée que le zonage ZUS dans son appellation même est une sectorisation stigmatisée.

La divergence précisée plus haut (le fait qu’il s’agisse exclusivement d’une population aidée par l’aide sociale) ne retire en rien la pertinence globale de l’analyse puisque au-delà du cadre administratif de l’enquête de Serge Paugam, on peut considérer qu’une grande partie des  habitants des Forges et de Jean Yole on recours au soutien des services sociaux.

Enfin l’argument majeur que je retiens et qui sert l’objet de mon étude est de montrer que l’histoire, la mémoire collective, l’esprit communautaire, les entraides solidaires autonomes forment  un ciment qui favorise la résistance à la victimisation de ces quartiers.

Et qu’à l’inverse le délitement du lien social passe par la désolidarisation individuelle de classe qui entraîne l’isolement voire  la honte ou la culpabilité de son statut social.

3 : Les éléments théoriques empruntés à Serge Paugam.

Serge Paugam a pu observer des différences fondamentales de comportements selon que les personnes acceptent ou non leur statut social.

« Ce qui me semble sociologiquement pertinent pour la compréhension et l’analyse de la disqualification sociale des populations reconnues comme « pauvres », ce n’est pas seulement l’effet d’imposition par les travailleurs sociaux d’un statut social dégradé, ni non plus uniquement l’apprentissage des rôles sociaux qui s’accordent à ce statut, c’est aussi l’acceptabilité ou la non- acceptabilité de la procédure de désignation ou de l’étiquetage. »(1)

A la suite de ce constat il propose comme hypothèse que les populations stigmatisées par l’aide sociale en général, négocient l’infériorité de leur statut social et ont une marge si faible soit –elle, sur la réinterprétation des signes négatifs qui les caractérisent.

En ce sens, il emprunte à E.Goffman (2) la notion de résistance à l’échec social par des comportements ou des discours visibles qui atténuent l’image négative que les autres  leur renvoient.

« Il s’agit de privilégier l’interprétation compréhensive des attitudes collectives et individuelles et des représentations en admettant que les acteurs sociaux possèdent une marge d’autonomie qui leur permet d’intérioriser, de refuser ou de négocier la définition sociale de leur statut. » (3)

L’image qu’ils ont d’eux même et par extension de leur quartier participe à la construction sociale et selon les déterminismes sociaux qu’ils favorisent ou qu’ils contredisent, il définissent  leur identité individuelle et collective.

C’est en partant de l’image du quartier ou de sa renommée que j’ai pu observer les stratégies  d’adaptation des personnes vivant sur les quartiers des Forges et Jean Yole.

(1)   «  La disqualification sociale » Essai sur la nouvelle pauvreté. Serge Paugam. PUF 1991, p 27

(2) ) E.Goffman « stigmate » , Paris Edition minuit 1975, p 44.

(3) «  La disqualification sociale » Essai sur la nouvelle pauvreté. Serge Paugam. PUF 1991, p 28-29

 C/ : Jean Yole et Forges, des associations marquées par leur image.

Il est important pour comprendre la construction sociale des quartiers qui nous occupent de revenir sur l’origine de leur réputation.

1 : Forges, une réputation de violence et d’insoumission

La réputation du quartier des Forges dépasse La Roche sur Yon.

Il m’est arrivé souvent après avoir pris mes fonctions comme directrice de la maison de quartier des Forges et de parler de ma nouvelle affectation, d’avoir des

réactions admiratives de travailler dans le quartier des Forges.

Ce quartier a, par le passé, défrayé  la chronique par certains actes de violence perpétrés par les jeunes du quartier.

Une étude ayant pour thème « la violence » a été élaborée par le CEAS en 1996 à la demande des travailleurs sociaux du quartier.

 Outre d’apporter des éléments de compréhension par le biais d’enquête auprès des habitants sur la définition de la violence perçue dans ce quartier elle devait aboutir, déjà à l’époque, à la restauration d’une meilleure image du quartier.

On peut lire dans le rapport définitif des paroles d’habitants dénonçant cette violence, ici un jeune du quartier « aujourd’hui Les Forges c’est calme mais tout le monde nous craint » (1) ou bien une habitante plus âgée « La réputation des Forges c’est exagéré. Mais on n’a pas à changer les mentalités, que ça devienne trop bourgeois, trop triste » (2) une certaine fierté à revendiquer leur appartenance au quartier même si cela passe par l’image négative de la violence car malgré tout,  c’est  aussi elle qui fonde son identité.

Le rapport insiste sur le paradoxe agissant dans le discours  des habitants partagés entre se désolidariser de l’image négative de leur quartier et de revendiquer leur appartenance à l’image qui fonde leur identité de quartier.

La violence ici est perçue comme  une valeur positive ayant la fonction de démarquer le quartier. La notion de force qui en émane implique le respect des habitants par les étrangers au quartier.

 (1). Cité dans « vivre à Forges, parlons-en ! » Activité sociale N° 41 juin 1996 p 2.

(2). Cité dans « vivre à Forges, parlons-en ! » Activité sociale N° 41 juin 1996 p 4.

Serge Paugam restitue ce paradoxe qui est de dénoncer les faits qui justifient la mauvaise image et dans le même temps d’y adhérer pour ne pas se couper de sa communauté et ainsi de ne pas compromettre sa réputation auprès des autres.

« En réinterprétant les traits négatifs et la mauvaise réputation de leur cité, ils veulent montrer ainsi qu’ils ne sont pas moins que les autres mais qu’ils sont autrement. Il s’agit bien dans ce cas d’une revalorisation de l’identité collective et d’une mobilisation générale de tous les habitants pour défendre un territoire commun. » (1)

Au cours de l’histoire qui a fondé l’association Aadiqno, (on peut se reporter p28 et 29) on a vu que la solidarité s’est imposée du fait d’une situation urbanistique particulière mais que le mouvement collectif s’est étendu à la prise de conscience que les problèmes du quartier et notamment de la violence des jeunes concernaient l’ensemble des habitants.

C’est cette conscience collective qui a amené la création du centre social en dépit des résistances institutionnelles qui n’ont fait qu’accentuer un sentiment d’injustice pour une population en situation de précarité.

La résistance  renforce l’esprit communautaire propice à la réalisation d’actions solidaires comme le souligne M.Selim :

« La conscience d’appartenir à un milieu financièrement démuni peut raviver le sentiment d’entraide et faciliter le développement de réseaux de solidarités ainsi que le maintien d’une des formes de l’éthique populaire traditionnelle » (2)

La présence de la mosquée, installée face à la maison de quartier, invite certains esprits malveillants à voir un élément supplémentaire aujourd’hui, dans la période de crise face à l’islam que l’on connaît,  pour stigmatiser l’image du quartier.

La réputation est difficile à combattre car elle se base sur des représentations.(3) Et même si elle trouve son fondement dans des situations réelles en période de crise, elle se perpétue malgré un retour à une situation « normalisée ».

Bien que le quartier ait retrouvé calme et sérénité depuis une dizaine d’années, sa réputation de quartier rebelle persiste.(4) même si comme on l’a vu dans un précédent chapitre les causes ont évolué vers des conflits d’ordre politique.

 (1) «   La disqualification sociale » Essai sur la nouvelle pauvreté. Serge Paugam. PUF 1991, p 175.

(2) Rapports sociaux dans un quartier anciennement industriel. « un isolat social, l’homme », 1982.p77

(3)   « La mauvaise renommée de la cité repose, au moins en partie, sur des représentations collectives qui se sont formées à l’extérieur de cet espace résidentiel et qui corresponde à une forme de connaissance sociale spontanée généralisante et souvent superficielle de la réalité »   La disqualification sociale » Essai sur la nouvelle pauvreté. Serge Paugam. PUF 1991, p 172.

(4) «  Cette image négative a néanmoins pénétré dans la conscience sociale des habitants, lesquels ont tendance désormais à s’y conformer. »idem

2 :    Jean Yole, une image dévalorisée.

Comme je l’ai précisé précédemment,  le quartier de Jean Yole recouvre un  territoire élargi à deux autres secteurs (les terres noires et le sacré cœur) mais l’image de Jean Yole n’est réduite qu’à la cité et à la maison de quartier implantée en son cœur.

Cette réputation dévalorisée est relayée par la forte présence d’organismes et institutions spécialisées dans l’handicap sous toutes ses formes.

A l’occasion de réunions de coordination locale, certains nouveaux administrateurs se sont exprimés sur leur difficulté à penser la maison de quartier comme un espace ouvert à tous.

Pour certains, la vision de la maison de quartier était celle d’un espace administratif où se géraient les aides sociales donc un endroit réservé aux « cas sociaux » auxquels il ne fallait pas être assimilés.

Pour d’autres, ils n’y avaient pas leur place car ils se sentaient inférieurs du fait, selon eux,  d’un capital (au sens de Pierre Bourdieu) culturel et social trop faible.

Ce qui témoigne de la difficulté  pour les professionnels à situer leur intervention et leurs actions pour garantir l’accessibilité à tous sans d’une part accentuer la stigmatisation du lieu et d’autre part se préserver d’actions perçues comme élitistes.

Ces deux positionnements qui s’opposent radicalement entraînent une rupture entre des catégories de population qui ne sont plus solidaires sur un même projet et mettent en danger le sentiment communautaire.

Plusieurs facteurs alimentent le délitement du lien social de la cité :

a/La mobilité des habitants du quartier

La crise de l’emploi et du logement a entraîné une forte mobilité de la population sur le quartier et accentue le phénomène de distanciation des uns et des autres : les nouveaux arrivants pensant n’être là que de façon provisoire ont du mal s’identifier aux habitants plus anciens du quartier.

« L’hétérogénéité de la population renforcée par une rotation importante des ménages et une forte perception des différences rend difficile l’émergence de liens communautaires et la défense collective d’un territoire commun » (1)

(1) «   La disqualification sociale » Essai sur la nouvelle pauvreté. Serge Paugam. PUF 1991, p 179.

b/ La déficience de la mémoire collective

Le regroupement d’habitants de type associatif pour la promotion d’activités d’animation sur le quartier s’est fait postérieurement à la construction et l’installation des familles dans la cité.

Quelques habitants motivés s’étaient investis dans les loisirs des enfants par la création d’une association, qui n’existe plus aujourd’hui et dont les membres fondateurs ne sont plus sur le quartier.

Maurice Halbwachs nous rappelle que pour que la mémoire collective existe il faut au préalable que les mêmes souvenirs soient réactivés et partagés par les personnes ayant vécu la même histoire, au sens des souvenirs communs.

« Il ne suffit pas de reconstituer pièce à pièce l’image d’un événement passé pour obtenir un souvenir. Il faut que cette reconstruction s’opère à partir de données ou de notions communes qui se trouvent dans notre esprit aussi bien que dans ceux des autres, parce qu’elles passent sans cesse de ceux-ci à celui-là et réciproquement, ce qui n’est possible que s’ils ont fait partie et continuent à faire partie d’une même société.(1)

Le projet du centre social n’a pas été porté par un mouvement collectif mais par un groupuscule d’habitants influents et  par  la nécessité d’ouvrir une annexe au quartier voisin des Pyramides. La maison de quartier de Jean Yole est d’ailleurs de construction récente (1994).

Il n’y a pas de faits marquants si ce n’est ceux qui renvoient à l’échec de la cohésion de groupe défendant des intérêts communs.(se reporter à la page 51)

Serge Paugam nous dit « l’absence d’un sentiment d’appartenance à un groupe solidaire s’explique par la faiblesse de la mémoire collective » (2)

Même si des familles ont vécu plusieurs années à Jean Yole, elles sont aujourd’hui minoritaires car souvent le but ultime des habitants est de partir de la cité.

La notion de mémoire collective est donc très faible à Jean Yole puisqu’elle ne peut s’appuyer que sur des individus disqualifiés socialement dont la présence permanente sur le territoire a un caractère obligatoire du fait soit de leur pauvreté soit de leur handicap psychosocial.

(1) »La mémoire collective (1950) » Maurice Halbwachs p14 http//www.uquebc.ca/zone30/classique_des_sciences_sociales/index.htlm

(2) «   La disqualification sociale » Essai sur la nouvelle pauvreté. Serge Paugam. PUF 1991, p 177.

c/ La notion de conflit

D’autre part les conflits que traversent l’association Acajy ou l’association de parent d’élèves est un élément révélateur de la déficience de l’esprit collectif qui règne dans la cité.

Plusieurs exclusions du conseil d’administration et démissions pour des raisons liées à des conflits de personnes ont entériné la difficulté à faire vivre les gens ensemble sur des valeurs communes et respectées.    

« Pour s’imposer dans la cité, s’assurer une place dans les alliances entre les clans, à défaut de statut professionnel, de bulletin de paie, d’argent, on s’en remet aux réputations qui se façonnent dans les querelles et les conflits quotidiens : elles empêchent que la violence ne dérape, ne devienne aveugle car c’est à l’image autant qu’au corps qu’on s’attaque. » (1)

Il est à voir la régulation nécessaire de l’animateur, au point accueil du matin, entre les parents venus parler autour d’un café pour comprendre la véracité de ces propos.

Ce temps de pause avait d’ailleurs été supprimé car il était devenu un espace de règlement de comptes et de prises de pouvoir qui avait eu pour conséquence de faire fuir les personnes ne se reconnaissant pas dans ces comportements outranciers.

Un travail sur l’accueil a été mené pour réhabiliter cet espace de parole nécessaire à la condition d’un animateur tiers capable de réguler les rapports entre les personnes.

Si les deux premiers éléments ne sont pas imputables aux habitants de Jean Yole mais sont constitutifs de la construction sociale du quartier, le déficit d’image dû aux conflits et la visibilité des personnes en difficulté sur le quartier introduisent une réaction de distanciation chez beaucoup d’habitants qui ne se sentent pas concernés et ne peuvent se réaliser dans le vivre ensemble.

 (1) J.F.Laé-N.Murard « l’argent des pauvres- la vie quotidienne en cité de transit. » Paris Editions du Seuil 1985 cité par S.Paugam dans « la disqualification sociale » p 184   

L’interprétation subjective de son statut devient pour les personnes pensant ne pas faire partie du même monde que les « cas sociaux » devient  source d’isolement et/ou d’une dégradation de l’estime de soi.

E.Goffman nous dit : « d’une façon générale la tendance du stigmate à se répandre explique en partie pourquoi l’on préfère le plus souvent éviter d’avoir des relations trop étroites avec les individus stigmatisés ou les supprimer quand elles existent déjà » (1)

Mais quelque soit le degré de résistance des habitants  à combattre la mauvaise renommée  de leur quartier, ils s’inscrivent comme toute personne dans un processus identitaire qui induit un besoin de reconnaissance sociale.

 « Savoir créer avec des mots, son corps et toutes sortes de matériaux, à partir d’approches différenciées de démarches créatrices et de manière individuelle et collective » est un des savoirs transversaux que préconise Philippe Merieu dans son approche des fondamentaux de la citoyenneté.(2)

M’appuyant sur les propos de philippe Merieu, je vais conclure sur le chapitre principal de mon projet à savoir la réinterprétation des approches différenciées dans le cadre de l’évaluation de mon projet.

VI/ EVALUATION DU PROJET ET DE MA DEMARCHE

       A/Ma relation professionnelle à mon objet de recherche

1 : Le décentrement de mon objet.

La posture initiale au départ de mon expérience d’animation était d’exposer la légitimité de mon action comme productrice de reconnaissance sociale sur un quartier par la mise en œuvre d’un projet collectif.

C’est en étant confrontée à l’écriture d’une expérience passée et de vivre  une expérience nouvelle que j’ai compris la pertinence de déplacer la problématique de mon sujet de mémoire.

 (1)  E.Goffman « stigmate » , Paris Edition minuit 1975, p 44.

 (2) Philippe Merieu le café pédagogique www.cafépédagogique.net, p31

En effet, la complexité de la construction sociale mise à jour par la réalité des contraintes du terrain m’a fait adopter une nouvelle construction de mon objet -qui n’était  plus pourquoi je veux faire un spectacle sur le quartier – en le décentrant de l’étude initiale- qui est devenue  les habitants peuvent- ils collaborer au projet-.

C’est ce que j’appelle le décentrement de mon objet car pour parvenir à  une clarification du vecteur « animation » Il fallait que je sorte de mon objectif pour parvenir à mieux le cerner.

2 : La déconstruction de mes savoirs professionnels

Quand il s’est agit de comprendre les processus de participation des habitants sur les deux quartiers, il ne pouvait suffire de décliner ni mes intuitions, ni le listing des savoirs longuement élaborés au cours de mes différentes aventures professionnelles.

Car dans  chaque expérience quelquechose de nouveau qui ouvre sur d’autres possibles peut survenir et c’est le propre de la relation sociale et par extension humaine.

Sauf que dans le cadre quotidien de notre travail,  nous ne sommes pas souvent dans une posture d’analyse suffisante – comme celle que nous offre l’expérience d’animation du DEFA – pour rechercher notre légitimité d’acteur. C’est-à-dire ce comprendre les mécanismes qui sont à l’œuvre dans notre démarche de médiation.

La déconstruction n’est pas un abandon de ses convictions mais un lâcher prise de ses certitudes qui permettent de se réapproprier une démarche crédible dans notre action.

       3 : L’ouverture vers d’autres champs professionnels.

Déconstruire nos savoirs professionnels laisse l’opportunité de s’enrichir d’autres pratiques et d’analyser d’autres clés d’entrée qui ne sont traditionnellement pas étudié dans le champ de l’animation.

Pour  exemple, l’investigation opérée dans le cadre de la santé mentale et des ateliers thérapeutiques m’a permis à la fois de mieux comprendre l’échec de ma collaboration avec l’association Ovisno et de mesurer les limites de ma pratique professionnelle dans le champ de la psychiatrie.

B/ Retour à l’intention première : la reconnaissance sociale.

Il n’est pas de mon propos de reconduire une deuxième recherche pour éclaircir ce vaste concept qu’est la reconnaissance sociale.

 Il est cependant important pour moi, après avoir étudié la nature sociale des quartiers et ainsi d’évaluer le sens de mon action auprès des habitants, d’exposer l’importance que revêt ce concept dans mon projet.

1 : La reconnaissance sociale un besoin inhérent à l’homme

A partir de la naissance physique naît le besoin du regard par l’être référent : le parent comme l’exprime si justement winnicot. C’est dans ce premier regard et dans ce premier “dialogue tonique” (Wallon) que l’enfant peut évaluer combien il vaut.

Puis  au fur et à mesure de l’évolution et de la place que prend  l’enfant  dans la société des hommes, son existence est confortée par ses pairs puis par les personnes hiérarchiques supérieures.

Mais quelque soit sa forme, la reconnaissance atteint toutes les sphères qui nous concernent dans notre existence sachant qu’elle peut se substituer l’une à l’autre.

Cela se traduit en terme de besoin à être reconnu dans l’ensemble de ce qui nous traverse. C’est-à-dire, pour l’essentiel dans la vie affective, la vie professionnelle, la vie politique, la vie sociale.

Etre en échec dans une des sphères dans laquelle on a beaucoup investi peut mettre en péril son existence même. D’où la fragilité de personnes qui ne sont reconnues par personne, dans aucun des lieux investis.

Ils deviennent transparents aux yeux des autres. D’où des mécanismes de défense, de survie comme des actes de violence comme on l’a vu pour le quartier des Forges, ou de dégradation excessive de l’image de soi comme on peut le constater pour certaines personnes qui fréquentent la table ouverte au sein du centre social et qui ne pratiquent plus les règles élémentaires d’hygiène. Ils luttent pour interpeller le regard, préférable à la mort sociale.

(1) D.W. Winnicott, Jeu et réalité. L’espace potentiel, Editions Gallimard, 1986, p. 155.  (1)  .  “Peut-être un bébé au sein ne regarde-t-il pas le sein. Il est plus vraisemblable qu’il regarde le visage […] Que voit le bébé quand il tourne son regard vers le visage de sa mère ? Généralement, ce qu’il voit, c’est lui même

Après cette brève définition du concept de reconnaissance sociale et de son utilité sociale voyons  ce qu’a produit le conte de la grenouille bleue qui puisse appuyer

l’affirmation selon laquelle la faiblesse est cachée par la force collective qui émane du groupe dans lequel on puise la reconnaissance dont on besoin pour vivre.

Etant entendu que le on est par extension le « je de chacun » et que le groupe est le « nous ». 

2: La grenouille bleue une petite pierre à l’édifice de la reconnaissance sociale.

J’ai tenté de démontrer au fil de ces pages que partant d’un même projet ma démarche avait été  différente sur les deux quartiers du fait même de la posture initiale des habitants.

On peut cependant admettre la pertinence de travailler à corriger les effets de la stigmatisation qu’entraîne la dévalorisation de l’image de ces deux quartiers ; qu’à ce titre, mon action de proposer la réalisation d’un spectacle collectif tentait de ré-introduire des éléments de valorisation propre à la reconnaissance sociale.

a/ La reconnaissance collective du groupe des Forges

Sur le quartier des Forges, je me suis appuyée sur une équipe forte de ses valeurs et de sa conviction et ainsi montrer que l’Aadiqno  pouvait réaliser sur ses seules compétences collectives un spectacle.

 L’organisation s’est mise en place en mettant en commun les dynamiques collectives tant artistiques qu’organisationnelles permettant à chacun d’être gratifiée d’une reconnaissance individuelle par le biais d’une action collective. L’individu s’effaçant au profit du groupe.

« Les individus participent à l’action collective pour former et disposer d’un cercle permanent de reconnaissance qui partage et définit leurs valeurs, pour avoir une représentation de soi qui soit constante, et partager avec d’autres une interprétation de la réalité. Sans cette volonté de reconnaissance réciproque, il ne peut y avoir d’action collective. » (1)

La valorisation de l’association était un enjeu car le capital de confiance de l’association avait été fortement éprouvé dans le bras de fer engagé avec la ville.

Il fallait reconstruire une image de cohésion de groupe capable de mobiliser les habitants du quartier sur un même projet.

(1) A. Pizzorno Cahiers des sciences humaines 104, 04/2000

Le choix de l’Assemblée générale comme espace de représentation n’étant donc pas neutre car il replaçait  le travail de l’association dans son contexte politique avec des enjeux associatifs liés à la réalisation de son projet social. 

 La présentation finale sous le chapiteau culturel étant pour beaucoup un objectif secondaire et le fait qu’elle ait été annulée n’a pas occasionné de frustration particulière.

Cela ne remettait pas en cause la qualité du travail des participants que l’ensemble des partenaires institutionnels, présents à l’assemblée générale ont chaleureusement applaudis.

 La démonstration du groupe a pu valider le fait que la maison de quartier assurait la cohésion de la communauté du territoire de proximité.

Par contre  pour les enfants des  ateliers danse et théâtre impatients de passer dans  Roche Magazine et jouer devant les yonnais cela leur retirait leur heure de gloire.

Surtout pour trois d’entre eux qui étaient en échec scolaire et pour qui ce regain de popularité aurait eu un caractère de revanche sur le monde scolaire.

 C’est ce qui explique aussi ma détermination à réitérer mon aventure avec eux sur Jean Yole pour leur restituer cet instant de reconnaissance publique.

b/ La reconnaissance individuelle pour une reconnaissance de quartier.

A l’inverse, sur le quartier Jean Yole, la démarche collective s’est vite heurtée à la déficience de groupements assez solides pour porter le projet.

La mise en œuvre du conte a été chaotique, et n’a pu qu’évoluer au rythme de mon investissement personnalisé auprès d’individus qu’il a fallu convaincre de leur

energie créatrice ou artistique.

En effet, c’est en interpellant individuellement les personnes sur leurs compétences et leurs ressources que l’échaffaudage fragile du spectacle  a pu s’ériger avec en toile de fond une incertitude quant à la réalisation finale.

Cela a été un travail d’adaptation constant avec des démissions, des désengagements, des reculs et des reformulations.

Il en en a été de même sur l’organisation des ateliers théâtre et danse qui se sont structurés autour d’individualités inconstantes du fait de l’irrégularité de l’engagement, tributaire des accidents de la vie malmenant invariablement les participants.

Serge Paugam précise que recréer le lien social et remobiliser collectivement les individus et les ménages en imaginant d’autres instruments de socialisation en dehors de la sphère professionnelle relève d’une dynamique d’intervention sociale ciblée  dont le travail des animateurs socio-culturels des quartiers.(1)

Bien que la mobilisation collective ait été difficile sur le projet Jean Yole, un noyau d’habitants a permis l’émergence d’un groupe de travail  performant et motivé qui mènera le projet à son terme et qui plus est en voie de dépasser l’objectif initial de la présentation d’un spectacle.

En effet, travailler sur les ressources individuelles des personnes  volontaires à participer à la mise en place du conte a permis de mettre à jour des talents ignorés jusque là de la communauté.

Certaines de ces personnes sont aujourd’hui désignées pour participer à d’autres projets, faisant suite à la réalisation du conte et s’inscrire ainsi dans le réseau potentiel d’artistes au sein de la vie culturelle yonnaise.

Au-delà de la reconnaissance de leurs talents, elles ont acquis une assurance qui leur permet de se projeter dans des actions collectives.

Elles envisagent notamment de créer un collectif qui donne la possibilité dans le cadre d’ateliers d’expression d’offrir leurs savoir faire bénévolement aux habitants de Jean Yole.

Pour d’autres cela a été l’occasion de vérifier qu’elle peuvent s’ouvrir à d’autres disciplines (je pense notamment à Christine mère de famille qui cantonnée aux ateliers de cuisine s’est ouverte aux plaisirs de la peinture).

Le cas de Michelle qui avaient perdu l’estime de soi et qui  retrouvé la confiance nécessaire pour s’autoriser à s’exprimer dans le cadre d’un groupe.

D’autres ont retrouvé ou découvert un espace d’échange qu’elle ne fréquentait plus ou pas.

(1)  «   La disqualification sociale » Essai sur la nouvelle pauvreté. Serge Paugam. PUF 1991, p 215

Dominique qui était persuadée  de ne pas pouvoir contribuer de quelque manière que ce soit au projet puisqu’elle ne savait que souder la tôle, son métier. Cela a été l’occasion de créer les costumes originaux à base de fer des fantômes, anciens chevaliers en cote de maille.

Alex, enfant réservé qui désespérait sa mère de ne s’intéresser à rien et qui a réalisé la toile de fond du décor pendant tout l’été. Et sitôt le décor terminé s’est inscrit sur le groupe du projet « halte aux pirates » programmé dans le cadre du chapiteau en prenant le rôle du capitaine.

Enfin les enfants acteurs du groupe ont pu ancrer leur plaisir du théâtre de manière plus durable et cherchent aujourd’hui à poursuivre cette activité au-delà de la présentation et se projettent pour certains d’entre eux sur d’autres représentations.

Ils ont enfin pu voir l’annonce de leur représentation dans le Roche magazine et attendent avec fébrilité le jour du 7 octobre.

Alors bien sûr, le spectacle revêt un caractère plus intimiste du fait que les intermèdes musicaux ponctuant le spectacle soit de moindre envergure que pour Forges puisqu’on n’a pas réussi à mobiliser suffisamment nos partenaires ou nos collègues pour produire avec nous le spectacle.

Mais il n’empêche que l’objectif final est en voie de se concrétiser : Produire un spectacle au sein de la cité sur une scène culturelle dans le cadre d’une programmation de qualité offerte à tous les habitants de La Roche sur Yon.

L’intention de redonner confiance à des personnes et à des administrateurs de recréer un esprit communautaire sur Jean Yole est amorcé.

En effet, les professionnels de la maison de quartier ayant saisi le sens de ma démarche et du bien fondé du projet chapiteau qui n’inclut pas seulement le conte de la grenouille bleue, a investi par secteur des groupements, notamment communautaires sur des actions parallèles au spectacle.

 Mon intention d’apporter une reconnaissance sociale partielle et temporaire -au moins le temps du spectacle- à un groupe d’acteurs me renvoient à ma pratique d’animateur socio-culturel indissociable des valeurs défendues par l’Education populaire.

3 : Faire reliance dans ma pratique aux valeurs de l’Education populaire

Dans mon mémoire d’approfondissement, je m’interrogeais sur ma légitimité à me reconnaître dans les valeurs de l’Education Populaire.

Et après avoir analysé mes pratiques se rapportant à mes expériences qui avaient ponctuées mon parcours je concluais que je pouvais me considérer comme vecteur de l’Education populaire.

Je ne choisirai qu’un court extrait de mon texte de l’époque pour rester dans le sujet qui nous occupe : la reconnaissance sociale

Je disais alors :

« Trouver la source du talent chez l’autre qui puisse, s’il l’avait perdu, lui redonner confiance dans ses capacités et  donner de la valeur dans un espace public à ses savoirs faire, à ses compétences. » (1)

J’espère avoir démontré au fil de ces pages que l’esprit qui m’anime n’a pas varié et que cette phrase peut encore illustrer l’analyse de mon expérience d’animation.

Car si je me réfère à Lucien Trichaud qui a tenté de définir l’Education Populaire,  la conviction de pratiquer l’Education Populaire au sens d’en appliquer certains préceptes est une démarche intime et personnelle.

L’Education populaire est à la fois un fait personnel, un fait social, un fait de civilisation. Plus que contenu à transmettre, elle est construction personnelle, elle contribue à la synthèse, réalisée en chacun de nous, par nous-mêmes, des éléments de l’espace et du temps dans lesquels nous agissons. Elle est le contraire de l’égocentrisme et de la certitude. Elle est le doute, l’ouverture, le dialogue, la compréhension. Elle est volonté, raison, imagination, action. Elle est amour, dépassement de soi, aspiration à l’universel, et, dans le même temps, préservation de nos racines. Elle est l’expression de la morale, de l’éthique, que nous avons reçue des autres, mais que nous adaptons à la dimension du monde. Elle définit notre orbite personnelle dans le temps et l’espace, et tend à nous situer par rapport à l’éternité. » (2)

(1)  « A toi Education populaire, Des images qui te font exister, des croyances qui me font vivre » Mémoire d’approfondissement transversal en sciences humaines.Novembre 2000 p 37

(2)Trichaud Lucien, intervention au Colloque du ministère de la Coopération titre de l’intervention?, Paris, 1990.

Ce que je constate c’est que quotidiennement ces phrases m’inspirent et que à l’issue de ce travail, mes convictions à participer à la défense de ces valeurs sont plus fortes encore.

Que restaurer de la dignité auprès des populations oubliées ou mal accompagnées est une partie incontournable de mon métier mais que produire de la connaissance chez l’autre pour qu’il trouve les ressources nécessaires au dépassement de la fragilité de  soi peut aboutir à dévoiler ses propres doutes.

C’est en cela que l’Education populaire est une relation permanente d’échange qui produit du sens et du collectif.

Lors de cette expérience j’ai beaucoup donné et j’ai beaucoup reçu.

En effet, progresser dans la mise en œuvre de ce projet collectif m’a permis de dépasser l’accompagnement individuel au profit de la mobilisation collective pour servir un projet de quartier visant à apporter à chacun une place pas seulement dans le spectacle mais aussi dans l’association et par là même dans la cité.

Qu’en ce sens, « le conte de la grenouille bleue » a été un outil culturel dont les enjeux de départ sont devenus les enjeux de la valorisation d’un quartier, rendue possibles grâce à l’élargissement de notre action à la semaine d’action culturelle du chapiteau des arts nomades.

Qu’ainsi donc l’engagement d’un noyau d’habitants sur le spectacle a contribué à structurer un évènement qui dépasse la mise en scène de théâtre et qui intègre chacun dans un espace de participation à l’échelle locale.

Malgré un constat positif de l’action dans sa globalité, je constate une fois encore que le plus difficile est de faire adhérer les membres d’un groupe à un projet. Ainsi, il y a un jeu d’équilibre à trouver entre être force de propositions et laisser émerger l’initiative pour que le projet collectif reste la démarche négociée avec tous les acteurs. Qu’en cela le facteur temps reste essentiel pour ne pas mener trop vite une réalisation avant que tous ne le construisent avec maturation.

Pour ce qui concerne « la grenouille bleue », mon arrivée sur le quartier a été trop proche de la date de mon expérience d’animation et de la venue du chapiteau sur le quartier déjà contractualisé avant ma venue.

Malgré le fait de mener au bout notre expérience, le projet aurait gagné en richesse et en résultat (dans le nombre d’acteurs associés) si j’avais eu plus de temps.

CONCLUSION

Savoir vivre ensemble dans des lieux difficiles où le danger est que chacun soit relégué chez lui parce qu’il se  sent inutile est un enjeu fondamental dans les cités aujourd’hui.

Le lien social délité n’est pas une fatalité.  Nous, passeurs de culture, médiateur du contact, écouteur d’histoires de misère, animateurs de groupes hétérogènes devons rester humble dans nos projets pour qu’ils puissent atteindre nos objectifs tout en gardant en perspective de grandir le citoyen autonome qui sommeille en chacun de nous.

Sachant que notre métier est basé sur la relation humaine dans le cadre d’un système complexe.

Notre place est  à la croisée de l’individu, du groupe et de l’institution et qu’il est essentiel de comprendre les stratégies de chaque acteur pour pouvoir mener notre action en respectant la sphère privée dans l’espace public.

Refuser  à produire des actions formatées par des politiques publiques d’où émanent trop souvent l’injonction « à faire participer » les habitants sans qu’aucun sens  ne soit donné à cette participation, est une de nos responsabilités.

En effet comme l’explique si justement Jean Claude Gillet, l’animateur ne doit pas être dans une logique d’action productive du lien social (au sens technique et instrumental lié à son « expertise ») mais bien dans la médiaction où prime la recherche de significations communes entre acteurs, combinées au travers du projet.

La recherche du sens est donc primordiale, et en cela l’animateur ne peut se limiter à être un exécutant mais se trouve impliqué en temps que personne avec ses représentations, ses savoirs et ses convictions sans que  ceux-ci n’interfèrent dans sa relation aux personnes.

« Avec cette vision et des stratégies qui tiennent compte de la réalité sociale, économique et culturelle, du rôle de l’Etat et des autres acteurs, il pourra développer des processus d’influence et de légitimation sur le plan politique, ne perdant pas de vue les idéaux ni les valeurs fondamentales de l’animation » (1) et tendre vers l’enjeu primordial d’un savoir vivre ensemble condition de la réussite d’un avenir sociétal commun.

(1) Jean Claude Gillet. Animation et animateurs .Le sens de l’action p 299 Technologie de l’action sociale.Ed L’harmattan 1995

GLOSSAIRE

AADIQNO : Association d’Animation et de Défense des Intérêts du quartier Nord Ouest

AAH : Allocation Adulte Handicapé

ACAJY : Association du centre d’animation Jean Yole

ACYAQ : Association de coordination yonnaise des associations de quartier

APAJH : Association pour Adulte et Jeune Handicapés

CAF : Caisse d’Allocations Familiales

GIPIL : Groupement Inter-associatif  Pour l’Insertion par le Logement

OMS : Organisation Mondiale de la Santé

OVISNO : Organisation pour la Valorisation des Initiatives du Secteur Nord Ouest

RMI : Revenu Minimum d’Insertion

SNAESCO : Syndicat National d’Employeur des centres sociaux et socioculturels

ZEP : Zone d’Education Prioritaire

ZUS : Zone urbaine sociale

BIBLIOGRAPHIE

BARTHES.R : Introduction à l’analyse structurale des récits. Seuil 1976

DUPRAT.Christine : L’influence des contes sur le développement psychopédagogique de l’enfant .1998

GILLET Jean Claude : Animation et animateurs. Le sens de l’action. L’Harmattan 1995

GOFFMAN Erwin : Stigmate Edition de minuit 1975

HALBAWACHS Maurice : La mémoire collective 1950 Les presses universitaires de France

KAUFFMAN.Jean Paul : L’invention de soi, une théorie de l’identité  Armand Collin 2004

LAE.JF et MURARD.N : L’argent des pauvres- la vie quotidienne en cité de transit SEUIL 1985

MEGRIER.D : 100 jeux de théâtre à l’école maternelle  RETZ

PAUGAM.Serge : La disqualification sociale, essai sur la nouvelle pauvreté PUF 1991.

RAMAND. Michèle : Identités individuelles et collectives Presses universitaires de Caen

WINNICOTT.D.W : Jeu et réalité, l’espace potentiel Gallimard 1986

AUTRES SOURCES DOCUMENTAIRES

BNF : Expositions sur le conte. Site : http://exposition.bnf.fr/contes/arrêt/écrit/index/htm

Ministère de la culture et de la communication : L’avenir du spectacle vivant

Cahiers Pédagogiques CNDP 2002 « Qu’apprend-t-on à l’école élémentaire »

Nouvelle revue de AIS N 18 .2002 Annie LANGLOIS

Site histoire du consulat et du premier Empire : www.histoire_empire.org/new_2004.htm

Atlas régional – Délégation interministérielle- Avril 2002 : Source contrat de ville 2000-2006

Bulletin d’éducation du patient de la communication et de la relation volume 17, n1 1998 par MERCIER.M et CARLIER.G

Activités sociales N° 41 1996 : vivre à Forges parlons-en par le CEAS La Roche sur Yon

MERIEU Philippe cité dans le café pédagogique : www.cafépédagogique.net

Cahier des sciences humaines avril 2000 par A .PIZZORNO

Colloque d’intervention du ministère de la coopération 1990 par Lucien TRICHAUD

ANNEXES

1 : Tableau de l’échéancier de l’action sur Forges

2 : Tableau de l’échéancier de l’action sur Jean Yole

3 : Budgets de l’action sur Forges et Jean Yole

4 : Visualisation du projet pour les partenaires de Jean Yole

5 : Visualisation du programme du chapiteau culturel

6 : Mot du Président ouverture de l’Assemblée générale de l’Aadiqno

7 : Maquette de l’affiche du spectacle pour Forges

8 : Maquette de l’affiche du spectacle pour Jean Yole

9 : Maquette de l’affiche du spectacle joué en 1991

10 : Extrait du programme de Forges avec les acteurs.

Calendrier d’actions pour la mise en œuvre du projet grenouille bleue sur Forges

DATESACTIONPARTENAIRES/ACTEURS
Mai à juin 2002Diagnostic projet socialAadiqno/habitants/associations
juillet/aout 2002Ecriture projet socialAdministrateurs/professionnels
septembre 2002Elaboration projet culturel et demande subventionAadiqno
Octobre 2002acceptation subvention projetContrat de ville
Novembre 2002Démarrage des cours théâtre et danseHabitants/ professionnels Aadiqno
Novembre 2002Présentation du projet « grenouille bleue » aux référents d’activitésAdministrateurs /référents d’activité et professionnels Aadiqno
14 Janvier 2003Groupe pilotage projetActeurs/parents/référents activités/professionnels
16 Janvier 2003Réunion responsable « chapiteau culturel « Professionnels/service culturel ville
27 janvier 2003Commission animation projet de quartierProfessionnels/responsable commission animation
Février à avril 2003Ateliers décors et costumesRéférents activités/parents
Février 2003Démarrage atelier hip hopProfessionnels Aadiqno/jeunes
Février 2003Lancement concours affiche grenouille bleueEnfants du centre de loisirs/professionnels
7 mars 2003Informations répétitionsActeurs/parents/référents activités
15 mars 2003Réunion technique de plateauRégisseurs son et lumière
19 mars 2003Répétition « grenouille bleue »Acteurs/régisseurs/professionnels
25 mars 2003Réservation ensemble matériel technique de scèneProfessionnels/prestataires sons
26 mars 2003Répétition généraleRéférents activités/parents/acteurs professionnels
28 mars 2003Assemblée générale Aadiqno et présentation du spectaclePartenaires / associations/acteurs projet/professionnels
4 avril 2003Réunion service culturel ville (retard chapiteau)Service culturel ville/professionnel Aadiqno
8 avril 2003Réunion foyer BoutelierDirection foyer/professionnel
15 avril 2003Réunion collectif parents « grenouille bleue »Parents/professionnel/foyer Boutelier
23 avril 2003Spectacle foyer BoutelierRésidents foyer/acteurs/ parents /professionnels
12 juin 2003Réunion collectif parents grenouille bleueParents/professionnels
27 juin 2003Représentation ateliers grenouille bleue fête de quartierHabitants/acteurs/administrateurs/parents

ECHEANCIER GRENOUILLE BLEUE. Quartier Jean Yole

5 Janvier         : Contact avec parents des acteurs Forges

6 Janvier         : Présentation projet commission culturelle

7 Janvier        : Contacts avec Associations OVISNO, Roche Rock n’Roll,Œil de Cauris

11 Janvier              : Rendez-vous projet avec Association Petits Débrouillards

18 Février              : Réunion travail avec OVISNO

02 Mars          : Présentation projet service culturel (chapiteau)

08 Mars          : Démarrage atelier danse Baby

21 Mars          : Réunion de travail avec Association Petits Débrouillards

22 Mars          : Démarrage atelier théâtre

12 Avril         : Réunion Roche Rock n’Roll

1920et 2526Avril: Ateliers danse Hip Hop + théâtre

18 Avril          : Groupe pilotage Grenouille Bleue

19 Avril         : Réunion de travail avec Leila sur concept décor

22 Avril         : Réunion de travail avec service culturel

09 Mai            : Groupe pilotage Grenouille Bleue – répartition des tâches

06 Juin            : Groupe pilotage Grenouille Bleue – information liaison pour la programmation

23 Juin           : Rendez-vous travail association Roche Rock n’Roll

30 Juin           : Groupe pilotage Grenouille Bleue + chapiteau  – Mise en route de la  communication 

13 Juillet        : Groupe pilotage Grenouille Bleue – Concertation sur les décors et costumes  avant démarrage atelier

25 Juillet        : Démarrage atelier costumes

29 Juillet        : Démarrage atelier décor

25 Août          : Réunion de travail Petits Débrouillards  – Reformulation projet avec   nouvel  animateur

31 Août          : Répétition avec animateur Petits Débrouillards

09 Septembre  : Réunion de travail – Régie lumière

27 Septembre  : Conférence de presse

05 Octobre             : Répétition générale

07 Octobre             : Représentation

EPILOGUE

La Grenouille Bleue

Un projet de vie, vie de quartier

Le titre : évocation de trois idées maîtresse dans mon mémoire.

  • la grenouille bleue c’est le nom du conte qui sera monté en spectacle.
  • un projet de vie parce que cette action a traversé mon parcours professionnel et a accompagné mon évolution.
  • vie de quartier, synthèse des mécanismes à l’œuvre dans la construction sociale des quartiers.

Mon expérience d’animation c’est faire le lien entre une action réalisée à partir d’activités d’expression et l’élaboration de stratégies de médiation sociale.

La grenouille bleue est un support d’apprentissage parce qu’il est conçu avec des espaces à combler. Le conte est un outil de lien social parce qu’il est porteur de situation de reconnaissance sociale.

Le projet d’expérience sera différent parce qu’il s’opère sur deux quartiers.

C’est cette différence que j’ai analysée pour comprendre la pertinence de mon action et de poser des stratégies avec les acteurs du quartier pour permettre à la grenouille bleue de produire de la reconnaissance sociale.

Blog de valérie jean biographe