Ma plume depuis 50 ans

Déjà l’écriture

L’écriture, sans que j’en sois consciente, m’a accompagnée tout au long de ma vie…enfin jusqu’à aujourd’hui car on ne sait pas ce que l’avenir nous réserve.

Chacun a son cimetière de souvenirs et de rêves mais combien sommes-nous à leur apporter des fleurs?
Moi, j’ai le désir fervent de chercher, au-delà du Mont Quotidien, ma vallée secrète. Ce petit texte écrit il y a 35 ans prend tout son sens aujourd’hui.

50 ans après ma naissance, je fais de l’écriture  mon métier: biographe, écrire pour les autres…

Hiver 1977-1978, 20 ans

valérie jean

Un après-midi d’hiver dont le froid, aidé de la solitude, réveille le besoin de jeter sur le papier  des fragments de ma vie. Pour qui me direz-vous? Pour moi. Revivre les moments décisifs de ma courte histoire ou les petites échappées émotionnelles en retrouvant les mailles initiales de mon écriture car je sais la mémoire partiale.

Anecdote savoureuse, 5 ans

Les souvenirs propres ne commencent que tardivement. Souvent ce sont les proches qui pour vous commencent votre histoire. Moi, je commence la mienne à 5 ans par l’anecdote qui m’a été racontée.
roger lanzacRoger Lanzac, fameux présentateur de l’émission radiophonique du jeu des 1000 francs qui parcourait la France, avait demandé qu’une fillette monte sur scène.

« Qu’aimerais-tu faire plus tard? » glissa Roger Lanzac à l’oreille de la petite fille.
« danseuze de folies berzères » murmura la fillette que j’étais.
Des éclats de rire fusent dans la salle tandis que je quittai la scène et retrouvai l’anonymat.
La danse, petite lumière de mes 5 ans qui jusqu’à aujourd’hui me fit de l’oeil…

(Bien sûr, vous aurez remarqué que ce n’est pas moi sur la photo!)

LA DANSE

BéjartD’abord un cours classique dont le souvenir n’est pas impérissable. Du haut de mes 4 ou 5 ans, je découvre une grande salle froide, triste, où se pressaient des gamines emmenées par leurs mères, serrant leurs chaussons magiques …Vision noyée dans une enfance heureuse donc insignifiante. c’est bizarre comme le bonheur d’une vie simple, saine ne marque pas alors qu’une enfance malheureuse creuse un sillon indélébile dans la consciente adulte…

Abandon de ce cours sans envergure mais l’ange veille…

Trois années délicieuses dans une institution religieuse qui, comble de la modernité, accueille des cours de modern’jazz, ce qui à l’époque, en 1972, en province n’était pas très répandu. Je découvre l’expression de soi dans l’espace et un univers musical étoffé allant du classique Wagner au très contemporain Pierre Henry en passant par les Pink Floyd, Tina Turner bref on est loin de la variété française.

Mais le plaisir de m’exprimer par mon corps ne me suffit pas: il me manque la légèreté, le rire, les mots car du plus loin que je me souvienne, j’aime  à sentir l’effet de mes boutades, de mes grimaces, de mes bons mots. Et je l’éprouve le jour où je monte avec mes amies de classe notre spectacle qui reprend les sketchs de Fernand Reynaud dont le célèbre « combien de temps met un obus pour sortir de son fût »…Je garderai longtemps le plaisir d’être face à un public…Quelque soit le support, danse, chant théâtre, cela régénère ma force intérieure…besoin inhérent pour conduire ma vie.

Texte écrit en 1977

La danse, rêve d’une petite fille qui sommeille toujours au fond de son esprit, saura-t-elle le réveiller?
Cet art est l’expression de soi dans l’espace mais saura-t-elle le révéler? S’en tiendra-t-elle à son désir enfantin ou cherchera-t-elle d’autres chemins pour révéler sa personnalité?
Du plus loin que sa mémoire l’y autorise, elle se souvient du plaisir éprouvé,  en proie aux regards des autres, de sentir l’effet de ses boutades, de ses grimaces ou grâces sur les autres… »

Ecriture délire

22 octobre 1975: 17 ans.

Un soir d’ennui, une petit délire avec une amie dans l’appartement de ma grand-mère à  Botzaris, à Paris.

« Six cigarettes fument marron glacé pour six poumons jolis. Leurs bouts s’embrasent comme un soleil couchant dans le cendrier. Six chiens les regardent et tristes s’en vont boire l’eau d’ici, d’ailleurs, dans les nuages où volent les oiseaux qui imprudents vont s’écraser sur les murs du son.
Un point dans le monde de nos rêves, de l’univers parsemé de nos pensées comme une foire d’idées folles… Seule sur le radeau qui parcourt la galaxie je m’interroge, recherchant la vérité et trouvant le mensonge, le vice, la peur, l’angoisse, le faux amour, le faux réconfort, la mort… L’humanité ramassée autour de la poubelle galactique. trouvera-t-elle un jour la voie, le chemin de la table où reposent la passion, la clé, la lumière.
Le temps n’est plus aux baises mains et autres démonstrations légères qui faisaient et défaisaient le monde  mais aux démonstrations âprement scientifiques nous jetant dans des dimensions hors de notre portée: atomes, neutrons, protons, électrons et autres ions qui saccagent l’enfance, qui jettent la pomme, la vie qu’on ne croque plus à pleine dent. Pourtant ce soir nous rions, nous jouons avec les mots prêtes à vivre cette vie dont on ne sait encore rien. »

Les premiers émois amoureux

1976 Montereau- Arrêt 2 minutes 30-
Il fait chaud sur les banquettes des wagons SNCF en cet été caniculaire. La chaleur s’est installée depuis plus de quatre mois sur la France et le thermomètre ne semble pas vouloir s’abaisser.
Je descends en hâte l’escalier du tunnel de la gare qui m’offre un peu d’air frais. Peut être m’attendra-t-il au bout du tunnel, dans le café d’en face, dans la voiture. La fameuse 204 qu’on est obligé de pousser pour démarrer!
La fin du couloir souterrain est proche: trois mètres, deux mètres, un mètre…Personne. La place de la gare est désespérément vide, écrasée de soleil. La déception est tapie au creux de son coeur et les pensées affluent pour l’empêcher de remonter à la surface. Sans doute n’a-t-il pas reçu sa dernière lettre où elle mentionnait l’heure de son arrivée, sans doute a-t-il eu un empêchement et il se confondra en excuse de lui avoir infligé ce revers, sans doute, sans doute…

Le car est là qui l’attend… »votre ticket mademoiselle… » La voix du chauffeur la tire de des pensées. Avenue général de Gaulle, le monument aux morts, rue Jean Jaurès….Le piège se resserre, elle sait que  sa maison va surgir à son regard…Ne pas craquer, penser à autre chose mais comment le pourrait-elle? Les images cognent dans sa tête. Brutalement la façade éclatante de blancheur lui brûle les yeux, c’en est fini de sa volonté, les larmes coulent…C’est trop difficile pour un coeur d’adolescente d’accepter sereinement divorce, déménagement, solitude quand l’amour a lui aussi déserté…

1978: Vis chaque minute du présent

L’époque de mes premières années me semblent si loin alors que je n’ai que 19 ans. Il mes reste des images floues, imprécises et pourtant elles sont là… Je pleure quelquefois doucement, quand le voile du temps se déchire et que  je touche mon enfance sortie d’un coin de ma mémoire. La naïveté, la simplicité m’effleure alors que je me souviens d’une parole de mon père: « vis chaque minute du présent . pleinement. Et  la réalité rattrape celui qui  se retourne sur son  passé grandi de ses rêves qui s’échouent peu à peu au fond de l’âme pour ne laisser qu’un amas d’illusions.

1979: la part intime

La réalité ressemble à un miroir où chacun se regarde sans cesse. Nous avons tous une part de notre image gravée dans le livre de notre vie. Personne ne peut atteindre cette part intime de nous même…Nous vivons en nous et hors de nous, tout à la fois, tournés vers le rêve, vers l’enfance ou vert la mort du petit enfant qui vit en chacun de nous.

Je ne crois pas que l’amour soit linéaire, une donnée immuable. Surtout quand il trouve le chemin de la facilité et du conformisme. Exister comme UN et le chiffre 2 devient un combat, une lutte contre le chiffre Un, la pure expression de SOI.

Ne pas s’oublier au profit de l’AUTRE et ne pas léser l’AUTRE pour SOI. L’amour d’une vie, celui qui permettra la naissance d’autres vies comme une flamme…Elle peut être incendie ou une bougie dont la lueur est si faible qu’elle ne nous éclaire plus sur le chemin de l’existence. Pour qu’elle retrouve sa force, il lui faut de l’oxygène…Et le feu de l’amour brûle s’il est trop puissant, il ne réchauffe pas quand il est trop faible…il faut être habile forgeron pour équilibrer la flamme.

D’autres textes ont suivi, ma plume ne s’est plus jamais arrêtée de courir et m’a servie fidèlement.

AUJOURD’HUI

ecrirecoach-valerie jean biographe

Ces textes sont les premiers mots posés, que j’ai toujours gardés comme une trace de ma pensée. Je les retrouve aujourd’hui, enfouis dans des corbeilles, des dossiers accumulés qui ont survécu aux déplacements, déménagements…Ils sont là, preuve intangible d’un désir d’expression, un besoin de faire trace … Et leur impact est immense pour me rappeler aujourd’hui à l’aube de mes 58 ans, que l’écriture a toujours fait partie de ma vie, que des questions existentielles m’ont toujours interrogées, que l’équilibre de ma vie s’est composée entre la légèreté dans l’action et la profondeur dans la réflexion. Le miroir a deux faces, le clown qui fait rire, qui écrira des spectacles pour donner du baume au coeur aux enfants et qui, descendu de la scène reprend la plume écrit pour s’interroger sur sa place dans cette humanité…

On écrit jamais pour rien, l’écriture c’est le thermomètre, les textes sont de petits cailloux jetés sur les sentiers de la vie. Ils nous aident à comprendre qui nous sommes, quel enfant on a été et c’est souvent cet enfant enfoui en nous qui nous montre notre mission ici-bas

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