L’Éducation populaire

l’Éducation populaire le savoir être au service du savoir faire pour tous.

Les fondateurs de mon histoire qui me lient aux valeurs de l’Education populaire.

Si je recherche les acteurs de mon enfance et de mon adolescence qui m’ont permis de me construire et de me réaliser dans les métiers de l’animation, je ne trouve aucun militant ou même adhérent d’un mouvement d’Education Populaire.
Par contre mon chemin éducatif a toujours été synonyme d’échanges et de rencontres.
Mon père a été Président national de la Table ronde.
Ce club, élitiste par la sélection de ses membres, (parrainages organisés entre cadres et professions libérales), sans aucunement être empreint de l’esprit de l’Éducation Populaire, développe des pratiques basées sur l’échange et la rencontre.
Ce fût, (et peut être encore ) un espace culturel où des hommes, au-delà de leur culture professionnelle, bénéficiaient d’une certaine ouverture vers d’autres champs culturels.
Ainsi se sont organisés autour de moi, pendant mes années d’enfance, des rallyes sportifs, des conférences, des voyages, des jumelages et des fêtes.

Parallèlement ma scolarité s’est partagée entre les écoles publiques et les institutions religieuses, sans qu’aucune de ces deux influences idéologiques ne m’ait pesée, ni séduite.
Cette expérience m’a apportée, je pense, un esprit de tolérance, un sens de l’adaptation mais surtout une méfiance vis-à-vis des préjugés, des conformismes et des embrigadements de toute nature.
Dans une de ces institutions, un professeur d’éducation physique m’a initiée à la pratique de la danse.
Les cours qu’elle nous prodiguait était surtout un éveil à la créativité, à la liberté par l’expression corporelle.Les séances dépassaient le simple fait de se mouvoir avec technique et grâce dans l’espace. Nos improvisations abordaient des thèmes induisant une certaine réflexion sur soi et sur le monde qui nous entoure.
Des chorégraphies telles que « La machine » était interprétée en totale improvisation sur scène. Sur l’ouverture de Tannahauser de Wagner, c’était la mise en scène de la mort de l’humanité par le progrès, symbolisé par « La machine » où seul survivait un homme  qui finissait par mourir de rester le seul. Ce sont des instants inoubliables que je revis quand j’écoute cette sublime ouverture de Wagner qui me tire alors des larmes gonflées de l’émotion ressentie sur scène.
C’était en 1974, j’avais quinze ans.
Par la suite cette volonté de dire des choses en dansant m’a toujours animée.
Les spectacles que j’ai écrits invitent acteurs et public à la réflexion ou du moins sont conçus avec l’espoir que cela aboutisse aussi à cela.

Dans un autre registre, mon professeur d’histoire-géographie au lycée, outre le fait d’avoir passionné ses élèves, organisait des séjours en collaboration avec l’équipe de prévention spécialisée ( ceux qu’on nommait à l’époque les éducateurs de rue ).
Ainsi se développaient des relations amicales entre des jeunes issus de tous les milieux, de parcours scolaires et professionnels différents.
J’ai le souvenir d’une grande liberté d’action laissée aux jeunes.
Les participants étaient en situation de responsabilité, capables de choisir leur programme de visite et de se donner les moyens de les réaliser.
La majorité des jeunes ont construit leur séjour se partageant autant sur des activités pleinement culturelles (musées, églises, expositions, monuments…) que récréatives (discothèque, restaurant, fêtes, baignade etc..) et ce en totale liberté de choix.
C’était en 1976, j’avais seize ans.

Faire reliance dans ma pratique aux valeurs de l’Education populaire

Dans mon mémoire d’approfondissement, je m’interrogeais sur ma légitimité à me reconnaître dans les valeurs de l’Éducation Populaire.
Et après avoir analysé mes pratiques se rapportant à mes expériences qui avaient ponctuées mon parcours je concluais que je pouvais me considérer comme vecteur de l’Éducation populaire.
Je ne choisirai qu’un court extrait de mon texte de l’époque pour rester dans le sujet qui nous occupe : la reconnaissance sociale

Je disais alors :

« Trouver la source du talent chez l’autre qui puisse, s’il l’avait perdu, lui redonner confiance dans ses capacités et donner de la valeur dans un espace public à ses savoirs faire, à ses compétences. » (1)
Extrait de « A toi Education populaire, Des images qui te font exister, des croyances qui me font vivre » Mémoire d’approfondissement transversal en sciences humaines.Novembre 2000 p 37éducation populaire, animation

J’espère avoir démontré au fil de ces pages que l’esprit qui m’anime n’a pas varié et que cette phrase peut encore illustrer l’analyse de mon expérience d’animation.

Car si je me réfère à Lucien Trichaud qui a tenté de définir l’Education Populaire, la conviction de pratiquer l’Education Populaire au sens d’en appliquer certains préceptes est une démarche intime et personnelle.

L’Education populaire est à la fois un fait personnel, un fait social, un fait de civilisation. Plus que contenu à transmettre, elle est construction personnelle, elle contribue à la synthèse, réalisée en chacun de nous, par nous-mêmes, des éléments de l’espace et du temps dans lesquels nous agissons. Elle est le contraire de l’égocentrisme et de la certitude. Elle est le doute, l’ouverture, le dialogue, la compréhension. Elle est volonté, raison, imagination, action. Elle est amour, dépassement de soi, aspiration à l’universel, et, dans le même temps, préservation de nos racines. Elle est l’expression de la morale, de l’éthique, que nous avons reçue des autres, mais que nous adaptons à la dimension du monde. Elle définit notre orbite personnelle dans le temps et l’espace, et tend à nous situer par rapport à l’éternité. » (2)
(2)Trichaud Lucien, intervention au Colloque du ministère de la Coopération titre de l’intervention?, Paris, 1990.

Ce que je constate c’est que quotidiennement ces phrases m’inspirent et que à l’issue de ce travail, mes convictions à participer à la défense de ces valeurs sont plus fortes encore.

Que restaurer de la dignité auprès des populations oubliées ou mal accompagnées est une partie incontournable de mon métier mais que produire de la connaissance chez l’autre pour qu’il trouve les ressources nécessaires au dépassement de la fragilité de soi peut aboutir à dévoiler ses propres doutes.
C’est en cela que l’Éducation populaire est une relation permanente d’échange qui produit du sens et du collectif.

Lors de mes expériences de spectacles, j’ai beaucoup donné et j’ai beaucoup reçu.
En effet, progresser dans la mise en œuvre de ces projets collectifs m’a permis de dépasser l’accompagnement individuel au profit de la mobilisation collective pour servir un projet de quartier visant à apporter à chacun une place pas seulement dans le spectacle mais aussi dans l’association et par là même dans la cité.

Qu’en ce sens, « Starmania »,  « le conte de la grenouille bleue »,    et tous les spectacles que j’ai été amenée à créer dans mon parcours d’animatrice, ont été des outils culturesl dont les enjeux de départ sont devenus les enjeux de la valorisation d’un quartier et de ses habitants.
Qu’ainsi donc l’engagement d’un noyau d’habitants sur ces spectacles a contribué à structurer un évènement qui dépasse la mise en scène de théâtre ou de danse et qui intègre chacun dans un espace de participation à l’échelle locale.

Le plus difficile étant de faire adhérer les membres d’un groupe à un projet. Ainsi, il y a un jeu d’équilibre à trouver entre être force de propositions et laisser émerger l’initiative pour que le projet collectif reste la démarche négociée avec tous les acteurs. Qu’en cela le facteur temps reste essentiel pour ne pas mener trop vite une réalisation avant que tous ne le construisent avec maturation.

CONCLUSION

Savoir vivre ensemble dans des lieux difficiles où le danger est que chacun soit relégué chez lui parce qu’il se sent inutile est un enjeu fondamental et davantage encore dans les lieux de relégation sociale.
Le lien social délité n’est pas une fatalité. Nous, passeurs de culture, médiateur du contact, écouteur d’histoires de misère, animateurs de groupes hétérogènes devons rester humbles dans nos projets pour qu’ils puissent atteindre nos objectifs tout en gardant en perspective de grandir le citoyen autonome qui sommeille en chacun de nous.
Sachant que le  métier d’animateur est basé sur la relation humaine dans le cadre d’un système complexe.
Leur place, que j’ai eu pendant trente années, est à la croisée de l’individu, du groupe et de l’institution et qu’il est essentiel de comprendre les stratégies de chaque acteur pour pouvoir mener notre action en respectant la sphère privée dans l’espace public.

Refuser à produire des actions formatées par des politiques publiques d’où émanent trop souvent l’injonction « à faire participer » les habitants sans qu’aucun sens ne soit donné à cette participation, est une de leurs responsabilités.

En effet comme l’explique si justement Jean Claude Gillet, l’animateur ne doit pas être dans une logique d’action productive du lien social (au sens technique et instrumental lié à son « expertise ») mais bien dans la médiaction où prime la recherche de significations communes entre acteurs, combinées au travers du projet.
La recherche du sens est donc primordiale, et en cela l’animateur ne peut se limiter à être un exécutant mais se trouve impliqué en temps que personne avec ses représentations, ses savoirs et ses convictions sans que ceux-ci n’interfèrent dans sa relation aux personnes.
« Avec cette vision et des stratégies qui tiennent compte de la réalité sociale, économique et culturelle, du rôle de l’Etat et des autres acteurs, il pourra développer des processus d’influence et de légitimation sur le plan politique, ne perdant pas de vue les idéaux ni les valeurs fondamentales de l’animation » (1) et tendre vers l’enjeu primordial d’un savoir vivre ensemble condition de la réussite d’un avenir sociétal commun.
(1) Jean Claude Gillet. Animation et animateurs .Le sens de l’action p 299 Technologie de l’action sociale.Ed L’harmattan 1995

L’être unique, entité d’un collectif social

Je défends l’idée que le « talent » est extrêmement bien caché et que le découvrir est vital pour soi mais aussi pour les autres car il enrichit et grandit le projet collectif.

Je défends l’idée que chacun, par la tâche à accomplir, contribue au succès du projet, qu’il n’y a donc pas de place ou de fonction première.
Ouvrir et fermer le rideau à bon escient est primordial pour la réussite d’un spectacle.

Je défends l’idée que chacun peut mettre en scène son histoire par ses mots, ses mains, sa voix, son rire et qu’en temps qu’être unique il a tout à apporter au monde et en particulier à moi qui ne peut créer qu’enrichie de son contact.

Je défends l’idée que l’ouverture sur autrui est une démarche essentielle dans les rapports fondés entre les hommes volontaires pour vivre ensemble.

Je défends l’idée que construire notre vie sociale est un pacte partagé et que la voie de l’Education Populaire n’est pas l’apanage du domaine de l’animation mais bien celui de la politique, lieu de la responsabilité de chacun de nous.

Bien que j’ai quitté le métier de l’Animation, je suis toujours empreinte du sentiment d’altérité qui le compose. Dans mon travail d’écrivain biographe, ma préoccupation est la même: faire exister celui qui se raconte, par ses mots et lui permettre de produire son histoire qui lui apportera la reconnaissance des autres et l’estime de lui même.

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