Biographie « la porte »
Ce livre a été réalisé à partir de 26 heures d’enregistrement de son auteur puis un travail de réécriture et de réadaptation pour en restructurer le récit afin de créer une histoire non chronologique réservant le dévoilement du récit.
La couverture a été réalisée à partir d’une aquarelle originale de Nathalie Richard
– natpaint@gmail.com-
EXTRAITS DU LIVRE « LA PORTE »
Mes premières années d’école sont marquées par l’attachement excessif qu’avait ma mère pour moi, sans doute blessée au plus profond de sa chair d’avoir failli me perdre. Cela s’est traduit par son omniprésence à l’école maternelle que je fréquentais. Je la revois encore accrochée au barreau de la grille qui me regardait et qui épiait le moindre de mes gestes. Elle n’hésitait pas à apostropher les élèves qui se permettaient de me prendre un crayon ou qui m’embêtait par des :
« Ne fais pas ça, chut, ne touche pas ! »
Cela dura quelques semaines jusqu’à ce que la directrice la pria d’arrêter. Mais cela ne suffit pas, il a fallu aussi fermer les portes de l’école pour empêcher ma mère de venir me chercher bien avant l’heure ! Je pense que c’est à cette période que s’est cristallisée notre relation fusionnelle…
…
Il habitait un quartier résidentiel où beaucoup d’expatriés, après avoir réussi à l’étranger, érigent de superbes villas à leur retour dans le pays.
Celle de mon oncle était énorme, au milieu d’un magnifique jardin, protégé par un portail électrique et un interphone. Je n’avais jamais vu ça, cela me paraissait incroyable. Mais l’émotion la plus grande fut quand je vis l’hibiscus. Moi qui n’avais jamais vu de fleurs auparavant, j’étais boulversé par sa beauté.
C’est aussi là que j’ai vu mon premier arbre: un goyavier.
Le changement de vie pour nous était radical. Désormais, nous pouvions aller à l’école en voiture, et pas n’importe laquelle! Une de ces grosses berlines ou 4X4 qui vous donnent le goût de la conquête du monde et que les passants admirent malgré eux.
J’avais d’ailleurs promis à un de mes amis de l’emmener ou le ramener dans la voiture familiale, si notre parcours d’école correspondait aux déplacements du chauffeur. Un jour alors que j’invitai mon copain à monter dans la voiture, le chauffeur est intervenu en opposant un “NON” ferme et définitif qui a mis fin à tout tentative ultérieure de faire profiter de la voiture à mes amis.
Je garde le souvenir d’une légère humiliation de cet incident. je pense que j’ai pris quelque peu conscience, malgré mon jeune âge, que le regard que portait les autres sur nous avaient changé. Ma perception du monde s’affinait et je prenais conscience que plusieurs univers se côtoyaient, bordés d’une frontière qu’on appelle le “statut social”, principalement affiché par des biens ostentatoires.
…
Elle s’organisait très bien. Le matin elle commençait par recevoir ses clientes qui lui commandaient des modèles qu’elles choisissaient sur le catalogue de la Redoute. Elle prenait leurs mesures, puis elle partait acheter le tissu et les différents accessoires dont elle avait besoin. L’après-midi elle repartait à ses cours. Le soir elle préparait avec soin ses patrons. Pour les grands ignorants qui n’ont jamais côtoyé le monde de la mode, le patron est un calque qui sert à dupliquer l’ensemble des pièces de tissus avant l’assemblage du vêtement.
Sous mon oeil admirateur, après avoir vérifié ses mesures, dessiné son patron, elle coupait le tissu avec sûreté et dextérité, tout en marmonnant, râlant, tergiversant et finissant toujours par s’exclamer:
“ j’ai réussi!”
J’étais toujours été impressionné par l’intelligence de ma mère d’arriver à ordonner ces bouts de tissu pour en faire un superbe vêtement.
C’est après cette opération que j’intervenais. J’étais de corvée de surfilage parce que ma mère n’avait pas la machine adaptée pour coudre chez elle et qu’il fallait malgré tout assembler provisoirement les pièces de tissu.
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